L’autrice
Née en 1991 à Ouargla (en Algérie), Selma Guettaf a d’abord suivi des études de lettres à la faculté d’Oran, puis travaillé pour plusieurs journaux comme l’« Écho d’Oran » et le journal national « El Watan ». Elle finit par quitter le milieu journalistique qui manquait selon elle d’imagination, souhaitant donner à son parcours une nouvelle impulsion.
À l’age de 23 ans, elle décide de s’installer à Paris, poursuivant son parcours universitaire. Il lui semble qu’on ne peut approcher la littérature autrement.
Elle y poursuit ses travaux dans la création littéraire. On lui doit notamment « J’aime le malheur que tu me causes »ou« Jeunesse Ratée » (éditions Lazhari Labter, 2013). C’est le premier récit de Selma retenu dans la sélection du prix Mohammed Dib qui récompense les créations récentes des jeunes écrivains algériens. Son roman « Les Hommes et Toi » a été publié une première fois en Algérie et a été sélectionné pour le prix Senghor 2017 du premier roman francophone et francophile. Il a été réédité en France chez Most Éditions.
En parallèle, elle devient documentaliste lors du développement de la série historique « Spleen », produite par France Télévisions et les Films du Tambour de Soie, et réalisée par Florian Beaume. Cette expérience lui inspire un roman : « Proche d’un “Spleen” » (Marsa Éditions, 2021). Selma Guettaf s’intéresse à toute forme de marginalisation et aux interdits qui empêchent d’aimer, d’exister.
« Je dirais que mon écriture est une exploration subjective des états d’âme. Finalement, ce n’est pas ma perception des choses qui compte, mais ce que vivent les autres et comment ils le ressentent. J’aime mettre en avant la complexité psychologique de l’être. »
Son tout dernier roman, « Plongeon et autres sauts », sorti en février de cette année chez Most Éditions et déjà transposé sur scène, évoque le délicat processus de création d’un jeune auteur et « pose un regard d’esthète sur une chute personnelle et la tentative de la stopper ».
Extrait de « Proche d’un “Spleen” », Marsa Éditions, 2021 :
« Ici, elle pouvait monstrueusement s’abîmer dans ses pensées, et ressentir cela comme une beauté. Elle flâna chaque soir dans Paris, comme s’il lui fallait fêter le désastre de sa vie, se dévêtant un à un de ses souvenirs, se débarrassant lentement du passé. La ville cristallisait sa sensibilité mélancolique. Enfin légère ! Besoin de se recentrer. Passer des mois en nomade. Ce mouvement perpétuel des trains, des bus, des rencontres; étrangement ça reposait. Le claquement des portes, l’enfermement dans un espace chaud traversé de courants d’air. La souffrance générait en elle des envies incontrôlables, d’étranges pulsions, comme marcher dans les rues les plus désolées à trois heures du matin, éméchée, son joint à la main, et capter ces moments difficiles à déchiffrer… il n’y avait plus de foules, seulement des êtres, presque irréels, car à une certaine heure, la fatigue brouillait le regard, la concentration n’était plus… La boisson dissipait le goût de l’amertume, brûlait son gosier, ses yeux et tout son intérieur. Elle était mouvante et vivante, sa figure pâle et douloureuse enfin réanimée. Qui avait dit que les morts ne revenaient pas à la vie ? »