En Argentine, l’avortement est illégal et considéré comme un “crime contre la vie”, sauf lorsque la vie de la mère est menacée par la grossesse ou que celle-ci est due à un viol. Les femmes luttent inlassablement pour la légalisation de l’avortement dans ce pays depuis des décennies.

Il y a deux ans, en 2018, les sénateurs ont bloqué la loi visant à légaliser l’avortement en Argentine. Cette année, c’est donc la neuvième fois qu’un projet de loi sur l’avortement est présenté au Congrès argentin, mais ce sera peut-être la dernière. En effet, c’est la première fois que le projet de loi est proposé par le pouvoir exécutif.

Le nouveau président Alberto Fernández a effectivement déposé une nouvelle loi sur l’interruption de grossesse. Ce paramètre permet d’aborder l’avortement en Argentine dans de meilleures perspectives. Celles-ci semblent être les prémisses d’une victoire pour les femmes argentines, même si la lutte n’est pas terminée.

L'avortement en Argentine : une lutte féministe pleine d'espoir

L’histoire contemporaine de la lutte des femmes pour l’avortement en Argentine

En 2005, des militantes féministes ont créé la Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, gratuit et sécurisé lors du Rassemblement national des femmes. Cette campagne a rassemblé plusieurs organisations et personnalités féministes, structurant la lutte au fil du temps. Après des années de pression intense et plus de neuf propositions de loi, la situation a particulièrement évolué en 2018 lorsque des membres du Congrès ont proposé le débat sur l’avortement libre. Mauricio Macri, l’ancien président était “pro-vie” et contre l’avortement.

Le 14 juin 2018, la Chambre des représentants a donné son approbation préliminaire en votant en faveur de la légalisation de l’avortement gratuit dans les hôpitaux publics avec 129 voix pour, 125 contre et une abstention. Le projet de loi a rencontré un obstacle au Sénat, avec 38 voix contre et 31 pour. Les sénateurs ont aussi rejeté les alternatives à la loi telles que la réduction du délai d’avortement (de 14 semaines à 12 semaines) ou la possibilité d’objection de conscience.
En 2018, la lutte pour l’avortement s’est étendue dans le monde entier grâce à l’art, et notamment au cinéma, mis au service du combat féministe. Mars 2020 a marqué la sortie du puissant documentaire de Juan Solanas “Que Sea Ley” (Que ce soit la loi), un documentaire qui met en scène les milliers de femmes argentines qui se sont battues et continuent à se battre pour le projet de loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse.

Juan Solanas a en effet décidé de mettre en avant ces femmes qui, par milliers, ont décidé de montrer leur mécontentement face à la situation argentine. Pendant huit semaines, on peut les voir chanter et crier des slogans dans les rues en hommage à toutes celles qui sont décédées lors d’avortements clandestins. Un symbole, le foulard vert porté par ces milliers de femmes lors des manifestations, a fini par incarner cette solidarité, si nécessaire au changement social.

Les campagnes des féministes #NiUnaMenos et #MareaVerde sont des mouvements nés en 2015 de la colère collective des femmes contre la violence masculine qu’elles subissent au quotidien. Elles ont des répercussions à l’intérieur et à l’extérieur de la société argentine et sont maintenant connues dans le monde entier.

L'avortement en Argentine : une lutte féministe pleine d'espoir

La situation actuelle

Depuis 1983 et la transition démocratique en Argentine, on estime que plus de 3 000 femmes sont mortes des suites d’une interruption de grossesse clandestine. Environ 40 000 femmes sont hospitalisées chaque année parce qu’elles souffrent de complications dues à des tentatives d’avortement. Les avortements sont réalisés dans des conditions d’hygiène et de sécurité préoccupantes. Par exemple, dans des caves ou des appartements avec du matériel qui n’est pas stérilisé, ce qui augmente le risque d’infection et de complications.

Aujourd’hui, la situation de la légalisation de l’avortement est bien différente et plus prometteuse qu’en 2018. Les luttes féministes n’ont jamais été aussi bien organisées et les femmes sont également en première ligne des luttes sociales. Le gouvernement actuel est favorable et la proposition de loi émane directement du président. C’est la première fois que ce type de loi est autant soutenu par l’exécutif. C’est un facteur très important qu’il convient de souligner.

Il y a d’autres acteurs qui s’opposent à la loi. L’influence de l’Église catholique est importante. Il convient de rappeler que 71% de la population est catholique en Argentine. L’influence du Pape argentin demeure forte. Cependant, quelquefois les catholiques peuvent être pour l’avortement, comme le montre l’organisation catholiques pour le droit de décider.

De plus, l’opinion publique n’est pas totalement favorable à la légalisation de l’avortement.

La pandémie de Covid-19 est un autre facteur d’importance puisqu’elle retarde le calendrier des débats parlementaires.

Une lutte sans fin ? L’avenir nous le dira. Le président Alberto Fernández semble déterminé à faire passer cette loi. Ce 10 décembre, journée internationale des Droits de l’Homme, la loi a été approuvée par la Chambre des députés avec 131 votes pour, contre 117 votes contre et 6 abstentions. Pour les organisations féministes, c’est une première victoire mais ce n’est pas la fin de la lutte dans le pays. L’approbation de la loi requiert la majorité au Sénat. Les sénateurs, considérés plus conservateurs, pourraient être le dernier obstacle à la loi. Nous le saurons en décembre.

Enfin, “¡Que sea ley !”

 

NICOLAS Quentin et MARTIN Lucie

NICOLAS Quentin et MARTIN Lucie

Etudiants de troisième année à Sciences Po Grenoble

Sous la direction de BERRAKAMA Sonia, professeure agrégée d’espagnol à Sciences PO Grenoble

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