Crédits : Sonia Berrakama
Hommage à Luis Sepúlveda : écrivain, citoyen et homme du monde
A l’âge de 70 ans, Luis Sepúlveda, écrivain chilien exilé en Espagne, nous laisse un riche héritage littéraire, souvent teinté de notes biographiques, et qui nourrit l’imaginaire de millions de lecteurs depuis plusieurs dizaines d’années.
Retour sur la vie et l’œuvre de cet écrivain, citoyen et homme du monde.
« Je ne pourrais pas vivre loin de la mer. La mer n’a pas de limite, elle ne t’emprisonne pas. Elle est une invitation à embarquer et à prendre le large, changer d’horizon. »
Dans un documentaire diffusé récemment sur Arte pour lui rendre hommage, Luis Sepúlveda se confiait sur son attachement particulier à la mer. Ayant grandi au Chili, avec 5000 kilomètres de côte, elle a toujours été pour lui une présence constante.
C’est le 16 avril 2020 que l’écrivain a pris le large, emporté par le coronavirus, dans la région des Asturies où il s’était installé en 1996 afin de renouer avec « la patrie » – pour lui, non pas le pays mais la langue maternelle.
Crédits : Sonia Berrakama
Écrivain de renom, il est devenu l’un des auteurs latino-américains les plus lus en Europe.
Fervent défenseur de l’environnement et des droits de l’homme, son œuvre se nourrit de sa biographie et le dialogue entre fiction et réalité ne cesse de nous interpeller. Dans son roman à succès Le vieux qui lisait des romans d’amour pour lequel il a obtenu plusieurs récompenses, c’est son expérience de vie auprès des indiens Shuar d’Amazonie à partir de 1978 qui a guidé sa plume. On y plonge dans le quotidien d’un Équatorien qui, comme autrefois l’écrivain, vit dans la forêt amazonienne aux côtés des indigènes, apprend à connaître la forêt, ses lois, et à respecter les animaux qui la peuple. A travers une écriture où se mêle émotions et aventures, le protagoniste, comme le lecteur, peut ainsi mesurer l’impact de la colonisation dans cette région du monde.
Dans son dernier roman, La fin de l’Histoire, publié en 2016 aux éditions Métailié, c’est la réalité chilienne marquée par la dictature d’Augusto Pinochet des années 1970-1990 qui constitue la toile de fond dans laquelle évolue le protagoniste, ancien membre de la garde rapprochée de Salvador Allende (GAP). Ici encore, la trame n’est pas sans rappeler le parcours de vie de l’auteur.
L’engagement politique citoyen de Luis Sepúlveda s’est manifesté dès ses études à l’Université du Chili, lorsqu’il a décidé de s’engager dans le Parti Communiste. Fils d’un militant du Parti Communiste du Chili et d’une infirmière d’origine mapuche, il se disait être né « profondément rouge ».
Pendant le gouvernement de Salvador Allende, il fut membre de la garde rapprochée du Président.
A l’issue du coup d’état de 1973, il fut arrêté et emprisonné près de trois ans avant d’être libéré grâce à l’action d’Amnesty International. En 1979, il s’unit aux brigades internationales de soutien à la guérilla au Nicaragua, avant de s’installer en Allemagne après la victoire. Il y démarrera une carrière de journaliste puis s’engagera à nouveau, cette fois pour la cause écologiste et la protection de l’environnement, en s’unissant à l’équipage d’un bateau de Greenpeace.
Grand voyageur, on le décrivait comme un « homme du monde ».
Naviguant au gré du vent de ses convictions et accostant sur la rive de ses expériences de vie, sa traversée l’a mené du Chili à l’Allemagne, en passant par l’Uruguay, le Nicaragua, mais aussi le poumon de la Terre, jusqu’en Espagne.
Son âme naviguerait-elle maintenant vers d’autres horizons ? C’est avec beaucoup d’émotion que l’équipe de la rédaction lui souhaite un bon voyage.
Sonia Berrakama
Auteur de l'article
Sciences Po.