Crédits : José Luis Cuevas

Mamacita, c’est la Coco Chanel mexicaine : une femme d’affaire élégante et talentueuse, qui a voué sa vie à la beauté, aux femmes et à leur féminité. Cette reine de beauté issue de la haute société mexicaine apparaît dans le documentaire de José Pablo Estrada Torrescano – son petit-fils – comme un personnage drôle et touchant. Grâce à un dialogue transgénérationnel, les domaines de l’Histoire, de la société et de l’intime s’entremêlent pour peindre un portrait puissant du Mexique des années 50.

C’est à la demande de Mamacita elle-même que le film est né. Lorsque José Pablo a décidé de quitter le Mexique pour aller étudier le cinéma en Europe, sa grand-mère, María del Carmen Torrescano, lui a fait promettre de revenir faire un film sur sa vie. Quelques années plus tard, José Pablo est revenu au Mexique afin d’honorer sa promesse. Et, si au départ le film devait être une fiction de sa vie, l’humour et l’extravagance de sa grand-mère ont décidé José Pablo à opter pour un film biographique, dans lequel elle jouerait son propre rôle.

MAMACITA : le film documentaire de José Pablo Estrada

Crédits : José Luis Cuevas

Par un retour sur les évènements importants de sa vie, cette femme aux cheveux gris, aux bijoux clinquants et au rouge à lèvre mat, nous dévoile plusieurs de ses facettes. De la petite fille carencée à la femme d’affaire acharnée, en passant par l’épouse insatisfaite, ce sont les fantômes de son passé, ravivés par le souvenir, qui viennent hanter les murs de son château.

Cependant, le parcours initiatique est double. Si Mamacita dresse un bilan de son histoire de vie, José Pablo, lui, découvre les zones sombres de son propre passé en plongeant dans un océan de secrets de famille et en ravivant des souvenirs d’enfance longtemps étouffés. Le dialogue transgénérationnel qui s’installe permet à la grand-mère et au petit-fils de tisser à nouveau une relation dont le point d’accroche est la mère de José Pablo.

MAMACITA : le film documentaire de José Pablo Estrada

Crédits : José Luis Cuevas

Mais Mamacita dépasse la sphère de l’intime et permet également de dresser le portrait de la haute société mexicaine des années 50. C’est ainsi que l’histoire de vie de Mamacita et l’Histoire Nationale dialoguent, avec pour toile de fond la période post-révolutionnaire au Mexique, marquée par la fracture sociale et l’institutionnalisation du pouvoir aux mains du PRI (Partido Revolucionario Institucional).

Mamacita possède également une dimension culturelle importante. En effet, José Pablo, grâce aux propos de sa grand-mère, y présente plusieurs aspects constitutifs de l’identité mexicaine.

Octavio Paz, dans son essai Le Labyrinthe de la Solitude, rappelait ainsi la relation particulière que les Mexicains entretiennent avec la mort et la symbolique qui l’entoure : « L’indifférence du Mexicain devant la mort se nourrit de son indifférence devant la vie ». Ainsi, dans le discours de Mamacita à la fin de sa vie, on perçoit la mort et la spiritualité, notamment à travers la présence-absence des « non-incarnés », fantômes qui la hantent jusque dans son château.

De plus, l’histoire de vie de Mamacita, marquée par sa réussite dans le monde des affaires, entre en contradiction avec la société patriarcale de l’époque. En rompant avec le schéma de vie traditionnel des femmes mexicaines, elle apparaît comme le symbole de la femme moderne.

MAMACITA : le film documentaire de José Pablo Estrada

Crédits : José Luis Cuevas

Dans ce film, l’intime et le socioculturel s’entrecroisent pour faire la part belle au cinéma d’art et essai. Projeté pour la première fois lors du festival de cinéma ibérique et latino-américain Ojo Loco au Cinéma Le Méliès de Grenoble, c’est Plátano Films, projet de distribution de cinéma d’auteur créé par l’association Fa Sol Latino, qui a décidé de porter Mamacita à l’écran.

El Café Latino a interviewé le réalisateur mexicain José Pablo, lors de la présentation de son film : Mamacita. Il nous explique son parcours, et notamment la promesse qu’il a faite à sa grand-mère lors de son départ de Mexico.