© Hugo Bernamonti  –  Palais national de Mexico, août 2023

Les élections présidentielles mexicaines de 2024 s’annoncent historiques : une femme pourrait pour la première fois être présidente du pays. Dans la deuxième économie latino-américaine, la candidate de gauche Claudia Sheinbaum, celle de l’opposition Xóchitl Gálvez et le social-démocrate Jorge Álvarez Máynez se disputent le fauteuil présidentiel.

Des élections présidentielles mexicaines historiques !

© Medios y Media  –  Claudia Sheinbaum lors d’un meeting à Guadalajara le 14 mai 2024

Claudia Sheinbaum

Qui est Claudia Sheinbaum ?

Favorite dans la course à la présidence, Claudia Sheinbaum est la candidate de la coalition de gauche et de centre-gauche « Sigamos Haciendo Historia » (Continuons à écrire l’histoire) formée par le Parti travailliste (PT), le Parti vert écologiste du Mexique (PVEM) et le Mouvement régénération nationale (Morena), le parti de l’actuel président Andrés Manuel López Obrador (AMLO).

La candidate moréniste est fonctionnaire depuis 24 ans et a toujours soutenu Obrador. Elle a débuté sa carrière politique en 2000 en tant que secrétaire à l’environnement de l’ancien district fédéral, à l’époque où AMLO était au pouvoir. Puis en 2006, elle est devenue porte-parole de sa campagne présidentielle. En outre, en 2014, elle a joué un rôle clé dans la création de Morena, le parti avec lequel elle a remporté la délégation de Tlalpan (l’une des seize divisions territoriales de Mexico) lors des élections de 2015 et le poste de chef du gouvernement de la capitale mexicaine en 2018, poste qu’elle a occupé jusqu’en 2023.

Ses réussites et scandales au cours de sa carrière politique

En tant que cheffe du gouvernement de la ville de Mexico, Sheinbaum a modernisé le Metrobús de la capitale en développant les lignes 3, 4 et 5, la ligne 3 étant 100 % électrique, et a mis en place les lignes 1 et 2 du Cablebús. Dans le domaine de l’éducation, elle a promu des programmes de bourses tels que « Mi Beca para Empezar » et « La Escuela Es Nuestra », tandis que dans le domaine de la santé, elle a créé trois nouveaux hôpitaux et une clinique pour les personnes transgenres.

Cependant, plusieurs scandales ont affecté sa carrière. Pendant son mandat à la tête de la délégation de Tlalpan, l’effondrement d’une école, construite sans prise en compte des normes parasismiques, lors d’un tremblement de terre en septembre 2017 causa la mort de 19 personnes. Sheinbaum fut accusée d’omission pour ne pas avoir détecté les irrégularités au préalable. Autre scandale, cette fois en tant que cheffe du gouvernement de la ville de Mexico : des milliers de kits médicaux contre la COVID 19 contenant un médicament qui n’était autorisé par aucune institution internationale de santé furent livrés. Mais le scandale qui a le plus affecté sa carrière est sans aucun doute celui causé par l’effondrement de la ligne 12 du métro du fait d’un manque d’entretien en mai 2021, causant la mort de 27 personnes et plus de 80 blessés.

 

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© Milton Martínez / Secretaría de Cultura de la Ciudad de México  –  Ligne 1 du Cablebús de Mexico

Répondre à la crise sécuritaire : un point central de la campagne présidentielle

Pour comprendre l’importance de la crise sécuritaire au Mexique, il faut noter que le pays compte, selon l’organisation Consejo Ciudadano Para La Seguridad Pública, sept des dix villes les plus violentes du monde et plus de 30 500 meurtres ont été commis au cours de l’année 2023. Chaque heure, 625 personnes sont escroquées, 542 sont extorquées, 3 sont enlevées et 4 sont assassinées. De plus, plus de 3 000 femmes, filles et adolescentes sont assassinées chaque année, même si ces meurtres ne sont comptabilisés, comme des féminicides, que dans 24% des cas.

Afin de lutter contre l’insécurité, Sheinbaum mise sur la continuité des politiques de López Obrador, promettant de continuer à s’attaquer aux causes de la violence et de renforcer les moyens et les pouvoirs de la Garde nationale, créée en 2019 par AMLO. Elle cherche ainsi à suivre les traces de l’actuel président en intégrant la Garde nationale dans les forces armées. Cependant, depuis sa création, la Garde nationale n’a pas réussi à obtenir de grandes améliorations dans la réduction de la criminalité dans le pays ; la situation s’est même aggravée dans certains Etats. En ce qui concerne la stratégie de sécurité et la lutte contre le crime organisé, Sheinbaum souhaite impacter les chaînes d’approvisionnement pour la production de substances illicites et combattre les finances du crime organisé grâce à la coordination de la Cellule de renseignement financier, du Secrétariat à la Sécurité et à la Protection citoyenne et du Ministère public général de la République. AMLO avait déclaré qu’il ferait de même dans sa stratégie de sécurité nationale pour 2018-2024 ; sans succès. Pour lutter contre les violences faites aux femmes, elle propose de créer une ligne téléphonique nationale d’assistance aux victimes, des ministères publics spécialisés dans les féminicides et demande que les assassinats de femmes fassent l’objet d’une enquête initiale en tant que féminicide. Enfin, pour éviter que les adolescents ne rejoignent le crime organisé, la candidate moréniste propose de maintenir le programme fédéral « Jóvenes Construyendo el Futuro » et d’étendre le programme local « Los Jóvenes Unen al Barrio por el Bienestar », tous deux lancés sous la présidence d’Obrador.

 

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© Gobierno de México  –  Membres de la Garde nationale mexicaine sur la place de la Constitution, Mexico

Quelles sont les autres propositions de Claudia Sheinbaum ?

La lutte contre la corruption est un autre point central de la campagne de Sheinbaum. Selon l’Institut national de la statistique (INE), en 2023, 83,1 % de la population mexicaine considère que la corruption est répandue au sein de l’État. Pour tenter de résoudre cette situation, la candidate promet de créer une agence fédérale de lutte contre la corruption, directement dépendante du pouvoir exécutif pour pouvoir enquêter, poursuivre et juger les fonctionnaires corrompus.

Dans le secteur environnemental, elle propose de promouvoir davantage les énergies renouvelables que durant le gouvernement de son prédécesseur. Face à la pénurie d’eau dont souffre le pays en raison de la sécheresse et d’une mauvaise gestion, Sheinbaum demande que l’accès à l’eau soit considéré comme un droit fondamental. Enfin, face à la crise migratoire vers les États-Unis, est envisagée la création d’un mécanisme régional pour coordonner sa gestion et pour s’attaquer à ses causes.

 

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© Santiago Reyes / ObturadorMX  –  Xóchitl Gálvez lors d’une conférence de presse à Mexico le 25 avril 2024

Xóchitl Gálvez

Qui est Xóchitl Gálvez ?

Elle est la candidate de la coalition Fuerza y Corazón por México composée des principales forces d’opposition : les deux partis de droite le Parti d’action nationale (PAN) et le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), hégémonique depuis des années. Le Parti de la révolution démocratique (PRD), de centre-gauche, participe également à cette coalition.

L’hidalguense de 60 ans vient d’une famille modeste d’origine amérindienne : son père est issu du peuple Otomí de la Vallée de Mezquital. Par conséquent, sa carrière politique a toujours été axée sur la défense et la promotion des peuples amérindiens. Elle est en effet la législatrice qui a présenté le plus grand nombre d’initiatives liées aux questions des peuples autochtones.

Sa carrière politique

Tout au long de sa carrière politique, Gálvez a occupé des postes importants au sein du PAN. Elle est entrée dans la fonction publique sous l’administration de l’ancien président Vicente Fox (2000-2006) en tant que première directrice générale de la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones. Puis, en 2015, elle est élue cheffe de délégation de la mairie de Miguel Hidalgo et, en 2018, elle est nommée au Sénat, poste qu’elle occupe jusqu’à ce qu’elle devienne la candidate de l’opposition à la présidentielle.

Bien que Gálvez ait accusée Morena à de nombreuses reprises, elle n’est pourtant pas à l’abri des scandales. Le plus marquant d’entre eux est sans aucun doute que sa sœur Jacqueline est détenue depuis 2012 pour son implication présumée dans un gang de kidnappeurs opérant dans l’État de Mexico. Cependant, plus d’une décennie après son arrestation, elle n’a toujours pas été déclarée coupable ou innocente.

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© Hugo Bernamonti  –  Place de la Constitution de Mexico illuminée pour la Journée internationale des peuples autochtones, 9 août 2023

Que propose Xóchitl Gálvez pour répondre à la crise sécuritaire ?

Selon une enquête récente, un Mexicain sur quatre se méfie de la police, en partie à cause de leur manque de formation. Partant du principe que la faute n’est pas entièrement celle des policiers, qui sont mal formés, mal rémunérés et mal équipés, Gálvez propose d’augmenter leur budget et leur salaire et d’améliorer leur équipement, afin que tous les policiers gagnent au minimum 20 000 pesos (environ 1 084 euros) et que leurs enfants reçoivent des bourses d’études. La candidate du PAN envisage également la création d’une Université nationale pour la sécurité afin de fournir une formation policière standardisée dans tout le pays et de doubler le nombre d’officiers dans les Etats et les municipalités à haut risque.

En ce qui concerne les autres forces de sécurité, elle souhaite doubler l’effectif de la Garde nationale de 150 000 à 300 000 en la démilitarisant. De plus, elle prévoit de retirer à l’armée les tâches qui ne sont pas directement liées à la sécurité nationale, telles que la construction d’aéroports et l’administration des douanes.

En matière de stratégie de sécurité et de lutte contre le crime organisé, deux des propositions de Xóchitl Gálvez sont particulièrement controversées. La première consiste à vouloir construire une « méga prison » de très haute sécurité sur le modèle de celles édifiées par le président salvadorien Nayib Bukele. Cependant, selon le spécialiste Carlos A. Pérez Ricart, cette proposition, attractive d’un point de vue politique, cache des difficultés techniques dans son application. En effet, il existe déjà au Mexique 15 pénitenciers fédéraux qui sont en dessous de leur capacité, avec un taux d’occupation de 60 %. Une partie de cette situation est attribuée à la construction de huit prisons sous le gouvernement de Felipe Calderón. Le spécialiste propose donc de réhabiliter les quelque 250 prisons d’État qui existent déjà et qui échappent actuellement au contrôle des autorités. La seconde promesse controversée de Gálvez est celle d’« agir avec toute la force et la capacité de l’État contre la criminalité », une tactique qui rappelle la stratégie de guerre contre le narcotrafic de Calderón, qui n’a eu aucun résultat positif : au lieu de démanteler la criminalité, elle l’a fragmentée en davantage de groupes, ce qui a généré plus de violence.

Enfin, Gálvez est en faveur du maintien et du renforcement des programmes sociaux visant à promouvoir la sécurité et de la création d’un Fonds national d’attention aux victimes à destination des victimes de violences dans le pays. Un fonds aux caractéristiques similaires à celui proposé par Gálvez existe déjà mais son fonctionnement actuel laisse à désirer. Face à cette situation, s’efforcera-t-elle d’améliorer son fonctionnement ou se contentera-t-elle de reproduire un modèle déficient ?

 

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© Diego Fernández  –  Armée mexicaine déployée sous le gouvernement Calderón, Etat du Michoacán, août 2007

Quelles sont les autres propositions de Xóchitl Gálvez ?

Pour lutter contre les violences faites aux femmes, la candidate d’opposition propose la création d’une ligne d’assistance téléphonique nationale, des ordonnances de protection pour les femmes, des ministères spécialisés et un soutien économique pour les femmes en situation de vulnérabilité. En ce qui concerne la corruption, elle promet d’enquêter sur les fonctionnaires, quels qu’ils soient, et de promouvoir la transparence au sein de l’État. Quant au secteur environnemental, elle souhaite que le pays atteigne la neutralité carbone d’ici 2050. Elle prévoit également de créer des fonds pour la protection et la prévention des catastrophes naturelles, ainsi que de meilleures infrastructures d’approvisionnement et de distribution d’eau pour lutter contre le stress hydrique. Enfin, en ce qui concerne la crise migratoire, Gálvez promet de négocier avec les États-Unis l’obtention de ressources pour aider les migrants en attente d’une réponse à leur demande d’asile sur le sol mexicain.

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© Louis Barron / Eyepix Group  –  Prise de parole de Jorge Álvarez Máynez le 28 avril 2024 en prévision du deuxième débat présidentiel 

Jorge Álvarez Máynez

Qui est Jorge Álvarez Máynez ?

Il est le premier candidat à la présidence du Mouvement citoyen, le parti de centre-gauche. Máynez est le fils de Felipe Álvarez Calderón, fondateur du parti communiste à Zacatecas. Il est candidat depuis le 1er mars dernier suite au renoncement à la présidentielle de Samuel García, gouverneur de l’État de Nuevo León, en raison des critiques formulées à l’encontre de sa candidature.

Sa carrière politique

Malgré son jeune âge, le natif de Zacatecas de 38 ans est actif en politique depuis plus de vingt ans. À l’âge de 15 ans, il rejoint le Parti de la révolution démocratique (PRD) et sa vie de fonctionnaire débute en 2004 en tant que conseiller municipal de la municipalité de Guadalupe, à Zacatecas, sous l’égide du même parti. En 2010, il est élu député local pour la coalition formée par le Parti nouvelle alliance (PANAL), le Parti écologiste et le PRI, puis rejoint le Mouvement citoyen trois ans plus tard. Membre de ce parti, Jorge Álvarez Máynez est député à deux reprises, occupe des rôles importants et en 2023, il prend en charge la coordination de la pré-campagne de Samuel García jusqu’à ce qu’il prenne sa place dans la course à la présidentielle.

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© Senado de México  –  Samuel García lors d’une intervention au Sénat de la République en septembre 2018

Que propose Jorge Álvarez Máynez pour répondre à la crise sécuritaire ?

Le candidat prône la démilitarisation du pays et une réforme de la police civile pour augmenter son budget et sa formation. Il propose également de régulariser le trafic de drogues avec son « Plan national de pacification », affirmant que des années de prohibitionnisme n’ont pas fonctionné. Face aux féminicides, il propose de s’attaquer à la violence domestique en mettant l’accent sur les plans de prise en charge des mineurs dont les mères ont été victimes de ce crime.

Quelles sont les autres propositions de Jorge Álvarez Máynez ?

Contre la corruption, il propose une plus grande surveillance des investissements publics et des revenus des fonctionnaires. En matière d’environnement, il préconise la mise en place d’une transition énergétique progressive et la création de zones de production d’énergie propre dans le pays. En matière de migration, il prône un modèle qui donne la priorité aux droits de l’Homme et facilite l’accompagnement de tous les migrants. Enfin, sur le plan social, il propose notamment l’extension des congés payés pour les travailleurs, l’augmentation du salaire minimum et l’augmentation de la durée du congé de paternité.

Andrés Manuel López Obrador

Président en exercice du Mexique depuis 2018 et membre du Mouvement régénération nationale (Morena), Andrés Manuel López Obrador a apporté son soutien à Claudia Sheinbaum dans la course à la présidentielle.

 

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© ObturadorMX  –  Prise de parole du Président Andrés Manuel López Obrador au Palais national le 20 mai 2024

BERNAMONTI Hugo

BERNAMONTI Hugo