Rédigé par DELECOUR Margaux et REYMOND Elise
Le Honduras est un pays d’Amérique centrale, situé entre le Salvador, le Nicaragua et le Guatemala. Selon la BBC, en 2016, c’est le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine : 64,3 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Il est aussi l’un des pays où l’insécurité est la plus présente : L’UNDOC recense 84,30 homicides pour 100 000 habitants en 2013. La situation politique est instable en raison de plusieurs coups d’État, dont le dernier a eu lieu en 2009. Dans ce contexte, en 2014, Juan Orlando Hernández, l’actuel président, qui fait partie du parti national (parti conservateur), est arrivé au pouvoir. Ainsi, pendant longtemps, le Honduras a eu une politique très conservatrice, dans tous les domaines. Celle-ci est également liée à la forte influence de l’Église, qui joue un rôle central dans la politique du pays.
Une révision constitutionnelle irréversible qui a des répercussions sociales et sanitaires importantes.
En janvier 2021, 86 députés honduriens sur 128 ont voté en faveur d’une réforme constitutionnelle. La chambre des députés a, entre autres, modifié les conditions de dépénalisation de l’avortement, le rendant encore plus difficile d’accès. Avant ce changement constitutionnel, l’article 67 de la Constitution établissait déjà “l’interdiction et l’illégalité de tout type d’interruption de vie, par la mère, un médecin ou un tiers, de l’enfant à naître, dont la vie doit être respectée dès la conception”. Le jeudi 21 janvier, les députés ont voté une clause qui établit qu’une révision de cette réforme nécessitera le vote des trois quarts des députés. Ils ont également précisé que toute disposition légale créée après l’entrée en vigueur de l’article réformé sera nulle, et que l’article 67 ne perdra pas sa validité si la loi est abrogée ou modifiée par une autre réforme constitutionnelle. Ainsi, alors que la tendance générale en Amérique latine tend vers l’assouplissement des conditions d’accès à l’avortement, avec notamment la dépénalisation récente de l’IVG en Argentine, le Honduras est devenu l’un des pays les plus restrictifs au monde en matière d’avortement et de santé reproductive : l’avortement est puni d’une peine d’emprisonnement, peu importe les circonstances (viol, inceste, très jeunes enfants, en cas de danger pour la santé de la personne enceinte) ; la pilule contraceptive et la contraception d’urgence sont également interdites, même en cas d’abus sexuel. En outre, toute personne qui aide une femme à avorter peut être inculpée et emprisonnée, puisque le code pénal hondurien stipule que “l’avortement est la mort d’un être humain à tout moment de la grossesse ou de l’accouchement”.
Cette législation a plusieurs conséquences sur la vie des Honduriens. La santé des personnes enceintes est devenue une question centrale dans l’actualité : plus l’interdiction de l’avortement est stricte, plus la population avorte clandestinement, sans médecin, dans des conditions insalubres. La mortalité des personnes enceintes due aux avortements clandestins est très élevée : le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des enfants s’est rendu au Honduras en 2019 et a conclu que le nombre d’avortements clandestins pourrait se situer entre 51 000 et 82 000 par an[1]. En outre, une grossesse non désirée peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale de la mère, après un viol par exemple.
Cette législation a également des conséquences plus larges, sur l’économie du pays et sur la sphère sociale. Ce qui fait actuellement scandale au Honduras, c’est le fait que des très jeunes filles d’à peine 10 ans soient enceintes[2]. Être enceinte à cet âge a de nombreuses conséquences sur la vie de ces enfants : elles mettent leur vie en danger durant la grossesse et à l’accouchement, elles abandonnent l’école pour trouver de quoi nourrir leur bébé, elles sont souvent mariées de force à des personnes plus âgées par la suite. Le Honduras est un pays où le taux de grossesse chez les adolescentes est très élevé: un quart des jeunes de 19 ans sont déjà enceintes. La grossesse juvénile entraîne une augmentation de la délinquance et de la pauvreté. Ainsi, la grossesse juvénile a un impact négatif sur la croissance économique.[3]
On voit donc que cette question est davantage considérée comme un problème national de santé publique et de droits de l’enfant, que comme une « simple » question féministe comme en Europe. Selon l’enjeu au niveau national, la perspective sur le thème de l’avortement est différente. Nous constatons qu’il peut être abordé de deux manières différentes : du point de vue des droits de l’homme (l’ONU a rappelé que la réforme constitutionnelle “contrevient aux obligations internationales en matière de droits de l’homme”) ou du point de vue du bien-être de la population (santé nationale, conséquences sur l’économie et la sécurité nationale…). Il reste donc beaucoup de choses à mettre en place concernant la législation de l’avortement et la protection des jeunes filles et des femmes du Honduras.
[1] ‘El Congreso de Honduras Aprueba Un Proyecto de Ley Que Prohíbe El Aborto | Sociedad | EL PAÍS’
[2] Ramírez, Lourdes, and, ‘OPS/OMS Honduras – Honduras evalúa su Estrategia Nacional para la Prevención del Embarazo en Adolescentes (ENAPREAH) para fortalecer la respuesta para la prevención del embarazo adolescente con un enfoque de equidad | OPS/OMS’, Pan American Health Organization / World Health Organization, 2019
[3] Escoto Mejía, E. F. (2016). Características socioeconómicas y demográficas del embarazo adolescente en Honduras, periodo 2005–2006 –2011-2012
DELECOUR Margaux et REYMOND Elise, étudiantes de troisième année à Sciences Po Grenoble
Sous la direction de BERRAKAMA Sonia, professeure agrégée d'espagnol à Sciences PO Grenoble, et BOHL Virginie, responsable de la gestion des catastrophes naturelles aux Nations-Unies
Photos : AFP