Est-ce que le cinéma est le reflet de notre société ou au contraire son instigateur ? Qui influence qui ? Un peu des deux. Le cinéma d’animation, plus particulièrement, répond à cette ambivalence de par son public cible : les enfants. Les enfants s’imprègnent de ce qu’ils voient, entendent, et plus tard forment leurs croyances et leurs opinions sur ce savoir. Ainsi, les dessins animés à l’ère du numérique ont un rôle à jouer dans la construction et l’ouverture d’esprit d’un enfant.
Le cinéma d’Amérique latine est relativement récent et méconnu. Aussi, il ne reflète pas vraiment la vision qu’a le monde de ce continent. Celle-ci est bien plus romancée, hollywoodienne. A nouveau, les films d’animation comme ceux des studios Disney et Pixar offrent un avantage : leur universalité. Tout le monde les connaît, partout
Quoi de mieux que des films grand public et internationaux pour faire état de l’image que renvoie l’Amérique latine ?
Le poids des cultures précolombiennes.
Français, si vous deviez sans trop réfléchir nommer un élément de la culture latinoaméricaine, vous penseriez sûrement aux aztèques, ou au Machu Picchu. En effet, nous avons tous rêvé devant Les mystérieuses cités d’Or ou La route d’Eldorado. Ces films sont axés sur un fantasme européen datant de la découverte du Nouveau Monde par les colons : la recherche d’or.
D’un côté, cette approche de l’Amérique Latine à travers l’histoire de sa colonisation véhicule des clichés sur les peuples, leurs coutumes et leur rapport aux colons.
D’un autre côté, la place prépondérante qu’occupent les civilisations précolombiennes dans l’imaginaire collectif à ses avantages. En effet, ils fascinent et émerveillent les enfants, même au-delà de la quête d’or. Le film d’animation Kuzco l’empereur mégalo offre justement une vision antérieure à Christophe Colomb de l’empire Inca du Pérou. La réalité historique n’est aucunement l’objet du dessin animé, il cherche seulement à stimuler l’imagination du spectateur. Avec ses décors extravagants et surréalistes, il semble tout droit sorti d’un rêve. Un autre intérêt à l’omniprésence de l’ère précolombienne est son rôle d’unificatrice de tout un continent. Incas, mayas, aztèques : ils forment un héritage commun qui renforce les liens entre les différents pays d’Amérique latine.
Le cinéma d’animation aide à créer cette identité propre au continent.
Un vide à combler dans la culture et l’histoire des pays latino-américains
Voilà où nous sommes bloqués : civilisations précolombiennes, puis colonisation par les conquistadors, puis… maintenant ? Qu’en est-il de cet entre-deux ? A l’instar de l’Egypte, la perception de l’Amérique Latine par le reste du monde s’arrête à son Antiquité, le reste de son Histoire étant flou et méconnu. Et pourtant, le continent sud-américain possède bien une histoire et une culture actuelles.
Produire des films sur l’Amérique Latine qui se déroulent dans un passé plus proche, c’est reconnaître que le continent a une histoire. L’industrie cinématographique des pays latinoaméricains met d’ailleurs beaucoup l’accent sur les problèmes sociopolitiques de ces dernières décennies. Ils produisent un grand nombre de films historiques sur leur propre pays. Mais cela change-t-il la perception extérieure de l’Amérique latine ? C’est là que le cinéma d’animation prend le relais. Disney notamment, se donne toujours pour mission de faire découvrir une partie du monde dans chacun de ses films. Les dessins animés ont donc le pouvoir de combler ce vide perçu dans la culture latinoaméricaine.
Le film Coco est un parfait exemple de cette révolution culturelle naissante. D’abord, l’histoire se déroule au Mexique. Contrairement aux films cités précédemment, le contexte culturel n’est propre qu’à un seul pays. Cela reflète bien l’état actuel de la culture en Amérique Latine : chaque pays a sa propre culture, riche et complexe. Puis, ce film va au-delà des clichés faciles. Il n’offre pas uniquement une ambiance colorée et des décors typiques mexicains. Il va plus en profondeur en abordant un thème très important dans la culture mexicaine : la mort . Ce film montre que nous avons à apprendre de la culture mexicaine et de sa vision unique du deuil. Il donne de l’importance au Mexique d’aujourd’hui.Pour finir, il ne faut pas nier que ce continent conserve toujours une forme d’unité qu’il n’a pas perdu depuis l’époque précolombienne, unique en comparaison avec les autres continents. Bien sûr, la langue – l’espagnol pour presque tous les pays – est un fondement de ce sentiment d’appartenance, et elle découle justement de la colonisation du “Nouveau Monde”.
Mais le cinéma d’animation, dans sa quête d’émerveillement, semble pointer du doigt un second héritage commun aux nations du continent : l’Amazonie. En effet, cette jungle s’étend sur 9 pays d’Amérique Latine. Dans les films Up et Rio, le spectateur découvre la forêt amazonienne, magique et mystérieuse. Dans le premier, c’est le vieux Carl Fredricksen et le petit Russel qui partent à la recherche d’un lieu inspiré de la Gran Sabana du Venezuela ; dans le deuxième, le perroquet Blu est plongé au cœur de la jungle brésilienne. Cet intérêt nouveau pour l’Amazonie dans le cinéma d’animation pourrait avoir des conséquences inattendues pour l’Amérique latine, en faisant naître chez les plus jeunes l’envie de protéger ce patrimoine naturel.
Le cinéma d’animation peut réformer l’Amérique Latine, pour peu que l’Amérique latine réforme le cinéma d’animation.
Qu’en sera-t-il du prochain Disney, Pixar ou Dreamworks qui nous plongera dans cet univers ?
Juliette Cumin
Auteur de l'article