© Ferran Feixas

Février est le mois de l’événement festif le plus répandu dans le monde et particulièrement en Amérique Latine : le Carnaval. 

A l’origine, il permettait aux gens de vivre des réjouissances issues des anciennes fêtes d’hiver. Le Carnaval est propre aux peuples latins, germaniques et nordiques. Il s’installe avec d’autres fêtes chrétiennes dès le Moyen-Age. De nos jours, les fêtes de Carnaval accompagnent le passage de l’hiver au printemps, de la mort à la vie, symbole du renouveau de la nature dans l’exubérance, la fantaisie et l’imagination. 

Comme toute fête au sens plein du terme, il instaure un temps pendant lequel il est possible de s’affranchir des règles et des contraintes quotidiennes religieuses et sociales, synonyme de transgression, de révolte où chacun est libre de se déguiser comme il l’entend et porter un masque, qui permet de faire abstraction de son identité. Son utilisation peut aussi permettre de modifier sa personnalité, les hommes se travestissent en femmes, ou en personnages surnaturels. 

Parmi les multiples libertés que cette période octroie, dans certains pays le Carnaval est un moment pendant lequel on peut dire politiquement beaucoup de choses en public. 

En Amérique Latine et à la Nouvelle Orléans, à travers des chants et des récits, on critique les autorités. La célébration se termine par la mort du roi « Vaval », roi du Carnaval, généralement par la pendaison ou par la crémation d’un personnage en chiffon, le dernier jour. 

Si nous faisons un rapide tour des principaux Carnavals en Europe, nous trouverons, inévitablement, le Carnaval de Venise, dont l’origine remonte à 1269. La beauté et l’élégance des déguisements ainsi que la richesse des masques en font l’événement le plus marquant dans la notoriété de la cité lacustre. 

Nous pouvons évoquer le Carnaval de Santa Cruz de Tenerife, sur l’île espagnole, deuxième carnaval plus apprécié après celui de Rio, auquel il est jumelé. Chaque année, les festivités durent un mois, le plus souvent de fin janvier à fin février et font descendre dans les rues des milliers de personnes, surtout début février, lors de la grande semaine principale de l´événement. Le tourisme est à ce moment-là aussi important que celui présent en été. Le carnaval a été déclaré, en 1980, fête d´intérêt touristique international et n´est pas loin d´obtenir une place dans le registre du patrimoine de l´humanité. En 2000, Tenerife a été élue « Capitale mondiale du Carnaval ». 

Au Portugal, plusieurs villes participent aux festivités, depuis le 13e siècle et brassent, elles aussi, des milliers de touristes mélangés aux autochtones. 

Le Carnaval de Nice est le plus grand de France et l’un des plus célèbres au monde. Il se déroule chaque année au mois de février, pendant deux semaines et attire plusieurs centaines de milliers d’amateurs. Le Carnaval a été exporté en Amérique du Nord par les premiers colons français, vers 1699. 

Viennent ensuite, le Carnaval de Cologne en Allemagne et le Carnaval de Binche, en Belgique. Pendant que les chars défient, les carnavaliers qui portent des habits traditionnels lancent au public des bonbons, des oranges, et autres friandises, au lieu des serpentins et confettis habituels.

Le carnaval, la fête la plus importante d'Amérique latine et du monde

La France, l’Espagne et le Portugal ont exporté leur Carnaval au moment de la colonisation des Amériques et c’est sur ces continents que se déroulent les carnavals les plus prisés dont le roi des Carnavals, celui de Rio, mais aussi celui de Salvador de Bahia ou encore celui de Cayenne (Guyane française). 

A Rio, le défilé des chars dans le « Sambodromo » est d’une beauté surréaliste et les « combats » des « Escolas do Samba » dans les rues à coups de danse et chansons sont légendaires. 

L’année 1884 est considérée comme le tournant du Carnaval de Salvador de Bahia. Bien que la fête ait déjà une ampleur considérable – principalement dans les salles – c’est cette année-là que commence l’organisation des fêtes de rue et des défilés de clubs, corsos et chars. Cependant, la population était toujours divisée en deux groupes, en fonction de leur identité sociale. Il a fallu attendre les années 70 qui marquent l’apogée du Carnaval de Salvador, sur la Place Castro Alves, où tout le monde se rencontrait et se permettait de tout faire. C’était l’époque de la libération culturelle, sociale et sexuelle. En 1988, pour la première fois, un grand groupe afro, le Olodum, défilait à Barra. L’année de la commémoration faisant allusion au centenaire de l’abolition de l’esclavage au Brésil, dont le thème était « Bahia de All Africas ». 

En Guyane, la particularité du Carnaval qui se déroule tous les ans dans la capitale Cayenne, est qu’il y a des personnages qui se distinguent des autres : les « Touloulous », véritables reines du carnaval. Ce sont des femmes et jeunes filles couvertes de la tête aux pieds, afin que l’on ne voie pas une once de peau. Elles portent un jupon, une cagoule, un loup et des gants passe-coudes (qui vont jusqu’au-delà du coude). Afin de garder leur anonymat, elles portent aussi des lentilles colorées, des perruques et camouflent leur voix, souvent dans les aigus. Elles ne portent pas leur parfum habituel, achètent des chaussures qu’elles ne remettront plus et ne se déplacent pas avec leur véhicule personnel.

Elles défilent dans la rue et participent aux bals masqués. Dans les salles de bals, rebaptisées à l’occasion « universités », ce sont les Touloulous qui invitent les hommes à danser et ils ne peuvent pas refuser. Cette tradition remonte à 1949, une époque où il y avait encore beaucoup de lépreux en Guyane. Les mères voulaient que leurs filles, même défigurées par les séquelles de la maladie, puissent aller danser, trouver des cavaliers et s’amuser comme tout le monde. 

Le carnaval, la fête la plus importante d'Amérique latine et du monde

© Steven Lasry

Proche du Brésil, l’Uruguay, a son Carnaval à Montevideo, un des plus longs : 40 jours… alliant musique africaine avec tambours, personnages typiques et danses comme au Brésil. Le Carnaval uruguayen attire des milliers de touristes. On y retrouve l’aspect politique aussi, avec les « murgas », (groupes de chanteurs et danseurs) qui chantent des textes satyriques critiquant les autorités, le pouvoir, le système politique dans sa totalité. Il existe un musée du Carnaval, à Montevideo, qui regroupe des photos et des déguisements depuis plus de 50 ans. 

Le Mexique a un carnaval qui remplit les yeux par ses couleurs, le Carnaval de Veracruz dont l’origine remonte à la période coloniale. Typique par ses costumes et ses masques, il l’est aussi par ses cuisines de rues avec le riz comme ingrédient principal. Les résidents des quartiers situés juste à l’extérieur des remparts de la ville créent de nouvelles formes de musique inspirées des traditions européennes, africaines et autochtones. 

Le Carnaval de Santo Domingo en République Dominicaine fête, par la même occasion, le jour de son indépendance. Les personnages typiques sont « El diablo Cojuelo » (Le diable boiteux), « el Roba gallinas » (Le voleur de poulets) et « Los Pepinos », (Les concombres), personnages surnaturels qui se promènent en char la nuit. 

Au Paraguay, le Carnaval de Encarnacion, lui aussi proche de son voisin brésilien, met l’ambiance avec un « sambodromo »* et de la samba dans les rues. 

En Equateur, le Carnaval de Guaranda est l’un des principaux festivals qui, en plus d’attirer les touristes au niveau national, a un impact touristique international. Il a lieu en février ou mars de chaque année. Guaranda est connu pour cette expression culturelle de la tradition populaire, ce qui lui a valu d’être reconnu comme patrimoine culturel de l’Équateur depuis 1999. Dans ce carnaval, il y a plusieurs « comparsas », des danses traditionnelles et des jeux avec de l’eau, de la farine, des serpentins, de la mousse, des oeufs et d’autres aliments typiques, notamment la forte aguardiente appelée “oiseau bleu”. 

C’est un mélange de festivités issues de la religion catholique et de rites incas. Sa forme de célébration unit les cultures indigènes, européennes et métisses. Par accord du ministère de l’éducation et de la culture, le 31 octobre 2002, le “Carnaval de Guaranda” a été nommé patrimoine immatériel de la Nation. 

Le carnaval, la fête la plus importante d'Amérique latine et du monde

© Steven Lasry

Le Chili a fait de son Carnaval un moment de danse pendant lequel on montre ses racines indiennes dans la rue. Ainsi les déguisements et danses reflètent la culture andine. Plus de 15 mille personnes dansent et chantent pour la joie de tous. 

En Argentine, le pays entier fête le Carnaval mais c’est à Gualeguaychù, à la frontière avec le fleuve Uruguay, que se déroule le défilé avec 40.000 personnes qui s’arrachent les entrées pour voir danser et chanter les « murgas », groupes de chanteurs et danseurs avec des textes provocateurs et avec des connotations politiques ou sociales. 

Si nous faisons un détour par la Colombie, le festival de Barranquilla occupe la place privilégiée parmi les villes par la façon de fêter d’une manière très folklorique et de rendre hommage au Roi Carnaval, au travers de la « Cumbia ».

En Bolivie, c’est le Carnaval d’Oruro qui est le plus connu dans ce pays mélangeant les traditions précolombiennes et hispaniques, avec des pèlerinages où le catholicisme et le paganisme s’entremêlent dans les musiques et les danses. 

Chez son voisin, le Pérou, c’est dans la ville de Puno qu’on trouve la fête de Carnaval la plus joyeuse. C’est le moment pour faire apparaître au monde la culture Aïmara, Quechua et métisse avec des danses et des chants dans des langues presque disparues. 

Ainsi, chaque Carnaval a son identité propre qui correspond à la culture de chaque pays, mais une chose les unit : le plaisir de fêter ensemble un moment à la gloire du Dieu Carnaval, Momo ou Vavel… Vive le roi ! 

* Sambodromo : Lieu officiel à Rio de Janeiro où ont lieu les défilés officiels du Carnaval de Rio. C’est une avenue aménagée, de 700 mètres de long, bordée de gradins, de tribunes et de loges pour assister aux défilés. Elle est située avenue Marquês de Sapucaí.On l’appelle également la passerelle du samba et passerelle du Professor Darcy Ribeiro. 

Ruben Otormin

Ruben Otormin

Auteur (traduit par Claudia Oudet)