Cinéma Nuevo Flores, Uruguay. Julio César Blanco Brunazo
Le cinéma uruguayen a un public très fidèle qui, bien qu’influencé par le cinéma américain, soutient son cinéma national et privilégie le cinéma européen d’avant-garde et le cinéma d’auteur. Les producteurs exportent leurs films vers l’Europe afin de les rentabiliser, car le marché local est insuffisant. Le marché espagnol est le plus porteur du fait de la langue par le biais des festivals de San Sébastian, Barcelone, mais aussi à Venise, Berlin et aux festivals dédiés à l’Amérique Latine en France.
Cinéma Helvético, Nueva Helvecia
Des débuts semés d’embuches
La première prise de contact date du 18 juillet 1889 au Salon Rouge, un cabaret très populaire. Félix Olivier, homme d’affaires local d’origine catalane, achète une caméra et un projecteur des Frères Lumière. Il réalise un court métrage Carrera ciclista tourné au Vélodrome d’Arroyo Seco. Fort de ce succès, il ouvre le premier studio de cinéma du pays et commence toute une série de documentaires, co-produit avec le français Henri Corbicier et un cinéaste argentin. Un peu plus tard, de nouveaux talents uruguayens surgirent : Pervanche en 1920 de León Ibáñez Saavedra, premier film d’une série produite au profit d’œuvres philanthropiques Emilio Peruzzi, un photographe de cinéma pionnier. En 1925, le mari de María Magdalena “Micha” Villegas Márquez, l’une des protagonistes, a acheté toutes les copies du film et les a détruites par jalousie. Cet événement jeta un froid parmi les cinéastes et, de fait, le court-métrage Almas de la costa (43 min.) de Juan Antonio Borges (Charruas Films, 1923) est souvent considéré (à tort) comme “le premier film uruguayen”…
Almas de la Costa, film restauré par la Cinémathèque
En 1927, le français De Neuville réalise Una niña parisiense à Montevideo et en 1932, El Pequeño héroe del Arroyo del Oro fut réalisé par Carlos Alonso, dernier film le plus populaire de la période du cinéma muet. Puis vint la grande crise de 1929 et le cinéma uruguayen s’endormit pendant plusieurs années. C’est en 1936 que Les Studios Ciclolux achètent un nouvel équipement technique pour la production de leur prochain film : Dos Destinos du réalisateur Juan Etchebehere. La censure, les importations et l’instabilité mondiale ont eu raison de la production locale qui se limita aux documentaires et aux comédies musicales.
Passionnés et déterminés, des investisseurs créent les Studios Orión. Ils produisent quatre longs métrages bien accueillis entre 1946 et 1948 et proposent, entre autres, la version des Trois Mousquetaires du réalisateur argentin Julio Saraceni. Le regain d’activité amène Kurt Land en Uruguay, où il réalise Le voleur de rêves ; Adolfo Fabregat réalise Le détective fait fausse route (1949) et Enrico Gras Artigas, etc…
El Pequeño Héroe del Arroyo de Oro (1932) de Carlos Alonso
En 1959, Hugo Ulive et d’autres cinéastes réalisent un certain nombre de documentaires culturels et, après 1960, des films destinés à promouvoir le tourisme : « Carlos » de Mario Handler, tourné dans la ville de Montevideo, représente une forme de cinéma-vérité local dans la droite ligne de la tradition en matière de documentaires. Puis Mario Handler se rapproche des étudiants protestataires et réalise : « I Like Students » (1968), « Líber Arce : Liberation » (1969) et finalement Mario Handler s’exile au Vénézuela. Suite à cette absence impromptue, Jorge Fornio and Raúl Quintín réalisent « Maribel’s Peculiar Family » (premier film colorisé), en 1973, malheureusement sans succès. Par-dessus tout ça, le DINARP engage l’argentine Eva Landeck et le vétéran des « westerns spaghetti », George Hilton pour réaliser « Land of Smoke » qui provoque la banqueroute des producteurs.
Cinéma uruguayen, années 1920
En 1984, le Général Gregorio Álvarez, dictateur uruguayen, devait régler la crise socio-économique. Si déjà, l’avènement de la démocratie sous Julio Sanguinetti, avait favorisé la petite industrie cinématographique locale, le regain de liberté encourageait le développement de l’industrie vidéo. CEMLA & Imagines, profitaient de ce nouvel espace pour proposer des œuvres politiquement contestataires telles que « The Dead » de Guillermo Casanova ou « The Last Vermicelli » de Carlos Ameglio et Diego Arsuaga.
Les réalisateurs traditionnels suivent le mouvement : « César » de Ferrari et son documentaire « General Elections » qui se focalise sur le sort du vétéran de gauche Wilson Ferreira Aldunate, banni depuis les élections de 1984.
L’économie uruguayenne se remet lentement et il faut attendre 1994 pour qu’une femme de caractère, la réalisatrice Beatriz Flores Silva, réalise « The Almost-True Story of Pepita the Gunslinger ».
Beatriz Flores Silva (en haut à gauche) en 2013
La ville de Montevideo et le gouvernement créent deux organismes censés apporter des fonds : le FONA et l’ICAU, devenue ACAU en 2022. Ces fonds permettent à Alejandro Bazzano de réaliser « Underground », un pilote TV de 1997, « A Way to Dance » de Alvaro Buela et « Otario » de Diego Arsuaga, etc.
A partir de 1998, les réalisateurs varient leurs sujets : « The Chevrolet and Esteban Schroeder’s mystery » de Leonardo Ricagni et « The Vineyard ». Luis Nieto Zas propose : « The Memory of Blas Quadra » (2000) et enchaîne avec le retour d’exil d’un ancien extrémiste : « The Southern Star » (2002) ; Juan Pablo Rebella propose un portrait réaliste de la jeunesse dans « 25 Watts » (2002) ou encore une réalité poussiéreuse dans « Whisky » (2003) récompensé dans la compétition Un Certain Regard à Cannes. « Noise » de Marcelo Bertalmío (2005) fut très bien reçu et remporta le prix du public au Valladolid International Film Festival. Valeria Puig écrit, produit et dirige « Confesiones de un taxista » (2011), nommé au Nashville Film Festival.
Juan Pablo Rebella, avant-première du film Whisky
Les femmes réalisatrices
Enfin, nous devons signaler la place des femmes cinéastes uruguayennes qui a pris de l’ampleur et qui a commencé à partir des années 90 avec la réalisatrice Beatriz Flores Silva « Pepita la pistolera » (1993), « En la puta vida » (2001), « Masángeles, Polvo nuestro que estás en los cielos » (2008) ; Gabriela Guillermo « El Regalo » (1999) ; Daniela Speranza « Mala racha » (2001) ; Silvana Tomeo « La despedida » (2010) ; Ana Guevara Pose & Leticia Jorge Romero « Tanta Agua » (2014) ; Marcela Rincon « El libro de Lila » (2017) ; Soledad Castro Lazaroff « Una de nosotras » (2019) ; Florencia Nuñez « Porque todas las quiero… » (2020) ; Susana LASTRETO PRIETO « Euridice… là-bas » (2020) ; Alicia Cano Menoni « Bosco » (2020) ; Eliana Gonnet « Como el agua, Clara » (2020) ; Gabriela Guillermo & Irina Raffo série « Historia de… Primavera, Verano, Otoño, Invierno » (2020, 2021, 2022) ; Valentina Baracco Peña « Ese soplo » (2022), etc.
Nouveau cinéma uruguayen, Polvo Nuestro
Créé en janvier 2019, le MAU (Mujeres Audiovisuales Uruguay), est un groupe de femmes professionnelles et étudiantes en audiovisuel qui lutte pour l’égalité des chances en matière d’emploi. Il a publié un manifeste consultable en ligne gratuitement. Enfin, Sciences Po-Paris, a réalisé une étude basée sur 82 interviewes.
Voici les Festivals qui ont lieu régulièrement en Uruguay, entre les mois de Février et Novembre :
Cine del Mar (Punta del Este) ; MONTEVIDEO FANTASTIC FILM FESTIVAL ; MONFIC ; MONTECINE ; CINEFEM ; PIRIAPOLIS DE PELICULA ; DETOUR, FESTIVAL DE CINE NUEVO ; ATLANTIDOC ; TENEMOS QUE VER.
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cinema_uruguayen – https://www.sciencespo.fr/opalc/content/uruguay-0
https://cinema.institutdesameriques.fr/2022/03/09/le-cinema-uruguayen-dans-les-annees-sombres/