Crédits : Agence photomobile
Antoine Sebire du Festival Biarritz Amérique Latine nous parle de la genèse et de l’évolution du festival pluridisciplinaire biarrot. De la diffusion d’une production plutôt militante et politique à une approche plus métaphorique des problématiques sociales dans le cinéma.
Dans une interview au Café Latino, Antoine Sebire, délégué général du Festival Biarritz Amérique Latine, promeut la culture latino-américaine en France au travers de films dont l’esthétique fait abstraction de tous les clichés intégrés dans l’Hexagone.
Comment le Festival Biarritz Amérique Latine s’est-il inscrit dans les mouvements solidaires des années 80 – 90 ?
En 1992, après 12 ans de promotion de films espagnols, portugais et latino-américains, le festival de Biarritz a mis les projecteurs sur l’Amérique Latine afin de mieux mettre en valeur ces cultures qui avaient beaucoup moins d’expositions en France. En réponse aux nombreuses dictatures implantées dans la région, un mouvement de soutien aux luttes populaires en Amérique Latine a émergé en France. Cet intérêt et ces manifestations de solidarité avec l’Amérique Latine se sont concrétisés par la création d’un grand nombre de festivals militants. Néanmoins, Biarritz était moins motivé par ces raisons politiques.
Les films projetés aujourd’hui sont-ils moins militants qu’à l’époque ?
Oui, clairement. À l’époque, c’était aussi la réalité de la production en Amérique Latine : en Argentine, au Mexique ou encore au Brésil. Maintenant, ce qui est assez intéressant, c’est que les cinémas d’Amérique Latine restent politiques, mais de manière moins frontale ou naturaliste. Le cinéma colombien, pour pas mal de cinéastes, a décalé un peu son point de vue sur la violence ou sur les violences vécues par le pays. Cette vision est transformée par des approches esthétiques plus métaphoriques ou allégoriques. J’ai presque envie de dire que tout film est politique, mais qu’il y a un renouvellement esthétique du politique dans beaucoup de cinéma d’Amérique latine. À Biarritz, on essaie de montrer les réalités les plus contemporaines qui se passent dans les cinémas aujourd’hui. Cela ne correspond pas exactement à cette image qu’on a en France d’un cinéma latino-américain frontalement militant, social ou politique, ce qui est en partie issu des mouvements de solidarité. On laisse donc place à des tendances nouvelles.
Qu’apporte le festival de Biarritz au cinéma latino-américain en France ?
En France, le cinéma d’Amérique latine est un marché de niche. Il y a relativement peu de films provenant de l’Amérique Latine diffusés dans les grandes salles. Seuls les distributeurs indépendants s’en saisissent. Le but des festivals est d’ouvrir des brèches et des espaces pour ces cinémas en France. À Biarritz, bien que tous n’aillent pas au cinéma, le festival attire beaucoup de monde. On est pas qu’un festival de cinéma, mais un festival pluridisciplinaire. On propose une grosse programmation culturelle et gratuite : marché artisanal et gastronomique, des rencontres littéraires avec des écrivains, des concerts. Et tout ceci au Royal (salle d’art et d’essai), La Gare du Midi (salle de spectacle) et au casino municipal de Biarritz, un très grand bâtiment au bord de la mer, qui accueille le Village du festival.
Cette année, 2020, comment vous êtes-vous approprié la thématique « Latino in the USA » ?
Depuis trois ans, on s’autorise à choisir des thématiques non plus géographiques, mais éditoriales. L’an dernier, c’était la Patagonie, cette année « Latinos in the USA ». Soit, les diasporas latino-américaines aux États Unis. Ce thème est souvent abordé par le prisme de l’actualité, on parle donc du mur de Trump, de l’immigration, de la frontière, du Rio Grande ou encore des gangs. Nous voulions montrer les réalités vécues par ces diasporas qui y sont depuis longtemps et apportent une contribution à la culture étasunienne. On est allés chercher des films et on n’a d’ailleurs pas trouvé ce qu’on cherchait. C’était intéressant, ce n’est pas du tout univoque la réalité des latinos aux États Unis, mais cela suscite beaucoup d’interrogations qui sont assez banales, sur le rêve américain, “le melting pot”. Nous ce qu’on a rencontré, ce sont des réalités qui ne sont pas forcément, ou pas uniquement dramatiques, mais au contraire, beaucoup de vitalité, créativité, mélange…
Film Memoria del desarollo – Crédits : Miguel Coyula
Qu’envisagez-vous pour l’avenir avec un tel contexte sanitaire ?
Cette année, on a quand même dû déployer certaines choses en ligne, mais pas forcément des présentations de films. On défend un cinéma en salle, l’expérience collective, la vue des films dans les conditions pour lesquelles ils ont été conçus. On est pas forcément des fanatiques du numérique bien que ce soit une bonne option quand il n’y a pas le choix. Si on doit davantage se pencher dessus à l’avenir on le fera.
Propos recueilli par Fatoumata Sillah
Journaliste