Sculptures d’hommes latino-américains
A notre époque où les frontières se redessinent avec des migrations de plus en plus massives et des nationalismes qui se revendiquent par la force, être définis par rapport à un continent paraît absurde. Et pourtant, c’est de plus en plus le cas.
Dans l’inconscient populaire se dire africain implique une identité avec ses ressemblances culturelles au-delà du pays d’origine. Se dire européen implique l’appartenance à un ensemble de pays reliés surtout par des accords politiques et financiers mais sans identité commune. Quand on dit « asiatique » ou «oriental» nous parlons généralement d’un point de vue ethnique et géographique. Les différences entre un laotien, un japonais, un tibétain et un chinois sont, à tous les égards, tellement importantes que les assimiler à partir d’un point de vue identitaire paraît ridicule.
© Juan Pablo Ahumada – Las Condes, Chili
Et qu’est-ce qu’on veut dire quand nous parlons des «latino-américains» ? Au niveau de la terminologie courante, il y a des confusions. En Europe on parle autant des latino-américains que des sud-américains comme des synonymes. Parfois on utilise le terme, de « latinos », abréviation qui prête aussi à confusion. Mais c’est en Amérique du Nord où la confusion en termes de terminologie est la plus grande.
Si nous nous en tenons à la définition du Larousse, un «latino-américain» désigne une personne née, ou ayant une ascendance, sur le territoire américain où la langue principale provient du latin. C’est à dire qu’un latino-américain est une personne originaire de l’ensemble des pays du continent américain où l’on parle l’espagnol, le portugais ou le français. L’Amérique latine comprend ainsi L’Amérique du sud, l’Amérique centrale, une partie de l’Amérique du nord (les Etats-Unis) et le Mexique. Certains géopolitiques incluent les îles francophones des Caraïbes, telles que le Belize, Haïti, les Antilles françaises et la Guyane.
Comme pour les pays d’Asie, nous parlons d’une uniformisation identitaire «latino-américaine», qui en réalité répond surtout à des origines linguistiques, des racines historiques ainsi qu’un processus de colonisation hispano-portugaise, en général, qui a provoqué des mélanges ethniques et raciaux, mais toujours avec une prédominance blanche européenne.
Si, en revanche, nous nous référons à la définition donnée par le gouvernement américain, une « Mecque » dans l’émigration latino-américaine vers «un meilleur avenir», le Bureau de recensement américain fait un mélange entre « hispanique et latino » comme étant une personne d’origine cubaine, mexicaine, portoricaine, sud-américaine ou latino-américaine, ou d’une autre culture ou origine espagnole, sans considération raciale. Nous partageons un même continent, une même histoire de colonisation et d’exploitation centenaire. Nous sommes les fruits des mélanges ethniques entre les peuples indiens et les européens, ainsi que les esclaves africains principalement au Brésil.
Selon une enquête faite par l’INSEE en mai 2015 dans les différents services d’immigration en Europe, un africain arrivant se définit lui-même comme africain, sénégalais ou camerounais, par exemple. Un asiatique dira seulement « je suis népalais ou japonais », jamais asiatique ; et un Sud-américain affirmera son identité nationale ; ce sont les habitants du pays d’accueil qui le désigneront « latino-américain ». Entre un haïtien et un argentin il y a autant de différences qu’entre un mongol et un japonais. Pareil entre un chilien et un brésilien.
© Jorge Gardner
Selon la BBC News Mundo d’octobre 2015, il existe plusieurs raisons de nous définir latino-américains :
1) « Nous sommes tous des enfants d’un père conquérant et d’une mère indienne » dit l’historien équatorien Jaime Almada.
2) « La manière que la langue hispanique est vécue nous relie dans une forme de fraternité » dit le linguiste vénézuélien Joan Gonzalez
3) Selon le colombien Jorge Castenblando, il se caractérise par sa capacité ancestrale à s’adapter dans toutes les circonstances.
4) « Nous sommes capables de grande autodérision, de sens de l’humour et de nous critiquer avec tendresse » disait une journaliste et écrivaine argentine.
5) L’esprit de solidarité social et collectif est sans doute le visage le plus marquant des sociétés latines selon l’écrivaine argentine Luisa Valenzuela.
Si quelque chose nous éloigne de cette fraternité continentale, c’est un passé de conflits pour la possession des territoires voisins. Des conflits de frontières… Ce sont des blessures profondes, certaines encore ouvertes qui éloignent les voisins et les autres cultures. La question de l’identité latino-américaine reste individuelle plutôt que collective. Quelle est la vôtre ?
© Julian Florez
Ruben Otormin
Ciné-club d'Uruguay en France
Traduction : Claudia Oudet