Le peuple Mapuche est l’un des plus grands peuples indigènes d’Amérique du Sud. Avant l’arrivée des Espagnols, leur terre s’appelait Wallmapu, et cela jusqu’à son expropriation par les Etats chiliens et argentins.
La cosmovision mapuche : la Terre comme élément central de la vie
Les Mapuches se sont toujours rebellés face à la menace de dépossession de sa terre. Le fait d’être Mapuche les lie à cette dernière en tant qu’être qui y est originaire, vivant en harmonie avec tous les êtres vivants ou non vivants qui cohabitent en son sein. Ils placent la nature et ses bienfaits au centre de leur philosophie de vie : la terre est leur principal moyen de subsistance, et, dans la mythologie mapuche, les individus retournent à leur mort dans le ventre de la Ñuke mapu (la terre mère), pour que leurs descendants puissent à leur tour subvenir aux besoins de la communauté. Cette idée est celle de la cosmovision Mapuche, qui voit la nature comme un être vivant, un tout autosuffisant qui se régénère et se régule par lui-même. Cette manière de se représenter le monde est si importante pour eux que le terme même de Mapuche signifie en mapudungun (la langue mapuche) le peuple (che) de la Terre (mapu).
Le rap mapuche : un outil de lutte
Le rap Mapuche s’écoute facilement par les jeunes qui ont à cœur de faire en sorte que l’histoire, les traditions, les racines mapuches ne se perdent pas, à l’instar du drapeau qui apparaît souvent dans les clips. Le rap Mapuche naît en 1992 comme une forme de récupération de sa souveraineté en tant que peuple et comme l’une des étapes du processus de décolonisation politique. Dans les années 1990, après la dictature de Pinochet, des barrages hydroélectriques ont été construits dans la région pauvre d’Araucanía, détruisant et inondant des milliers d’hectares de forêt indigène dans les territoires ancestraux. Les Mapuches qui vivaient sur ces terres ont été déplacés. Aujourd’hui encore, la région est militarisée et les Mapuches se battent pour récupérer leur territoire, le Wallmapu. Dans ce contexte historique, le musicien Jano Weichafe a commencé à écrire les premières chansons de rap à contenu mapuche. Son groupe s’est attaché à dénoncer la discrimination, la pauvreté, la toxicomanie et l’exclusion de son peuple.
La société chilienne face à la question Mapuche
Le rap met en lumière les implications politiques qui ont détruit les terres mapuches. Ainsi, l’émergence du conflit actuel trouve sa source dans l’expansion forestière et la répartition territoriale. Cependant, d’autres facteurs sont également à l’origine de cette “Question Mapuche” : ce peuple occupe une place difficile dans la société chilienne d’aujourd’hui. En effet, les mapuches sont les personnes les plus discriminées, pauvres et marginalisées du pays. L’Etat et la société se trouvent à un carrefour entre deux voies, soit persister dans la politique de l’intolérance et du conflit qui a caractérisé une grande partie de l’histoire du Chili, soit le surmonter en s’engageant sur le chemin du dialogue, du respect mutuel, de la reconnaissance, de la réparation des dommages historiques subis. Cependant, depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019, une partie de la société chilienne, et surtout la nouvelle génération, s’est alliée aux mapuches dans la défense de leur citoyenneté.
De l’urgence de lutter pour son héritage
Les mapuches, de leur côté, ont tenté d’obtenir une place dans cette société, et se sont opposés aux tentatives réitérées d’assimilation de la part des politiques de l’Etat. Tout au long du vingtième siècle, les mapuches se sont organisés pour maintenir leurs traditions, modes de vie et culture hérités de leurs ancêtres. Ces vingt dernières années, les dynamiques de démocratisation et de modernisation qui ont émergées au Chili ont permis aux revendications mapuches d’être davantage entendues, en particulier concernant la volonté de ce peuple d’occuper une réelle place dans la société chilienne.
Le développement de l’éducation dans les communautés a également favorisé l’émergence de la question : la nouvelle génération s’est trouvée confrontée à une gigantesque offre de bourses indigènes, non seulement dans le but de recevoir une éducation primaire mais aussi pour pouvoir suivre un cursus universitaire et accéder aux études supérieures. En conséquence, les jeunes Mapuches ont pu avoir accès à la fois aux connaissances de la culture occidentale moderne, tout comme aux enseignements traditionnels de leur communauté. Une double éducation, qui leur a permis de développer des idées d’auto gouvernance, d’autogestion, d’autonomie et d’autodétermination pour tous les peuples indigènes. Un discours nouveau, vecteur de propositions autonomes, conjugué à des conflits spécifiques et revendications territoriales, que nous pouvons retrouver dans le rap Mapuche.
Le rap mapuche comme reflet d’une identité chilienne multiculturelle
La jeune génération a petit à petit pris conscience que l’identité chilienne était plurielle et multiculturelle : les jeunes mapuches revendiquent le droit d’être considérés aussi chiliens que les autres, tout en ayant à coeur de préserver et de valoriser leur singularité. Se reflète dans le rap la volonté d’affirmer l’essence de cette culture, à travers l’association de paroles mapudungun et espagnoles, ou encore avec l’utilisation de rythmes et répertoires musicaux propres au peuple Mapuche.
FANUCHI Camille et ROZMIAREK Gemma
Étudiantes de troisième année à Sciences Po Grenoble Sous la direction de Sonia BERRAKAMA, PRAG en espagnol à Sciences Po Grenoble