© Olivier Perpoint et Leandro Pereira

Rédigé par Olivier Perpoint

La structure sociétale et communautaire du Candomblé

Grâce à l’article précédent sur l’axé (El Café Latino N°52), j’ai mieux compris les éléments et les événements dont j’avais été témoin par exemple aux terreiros (le mouvement des personnes, les interactions entre elles, leurs actions, les objets présents …) et que j’avais pu également observer hors des terreiros (lieux de culte) : une structure communautaire forte.

Une structure datant de plus de 400 ans

A mon arrivée dans un deuxième terreiro, au moment de la préparation des prières, j’ai été surpris de découvrir ces personnes vêtues de blanc, concentrées sur différentes actions (cuisine, ménage, rangement, …) dans un recueillement important et en silence. C’est à ce moment-là que j’ai compris, la présence d’une structure sociétale, comme nous pouvons la retrouver dans les monastères de toutes les religions à travers le monde. A une différence près, cette structure concerne des personnes lambda et elle est directement liée à celle que les Africains déracinés ont dû inventer pour survivre à leur condition de prisonniers-esclaves qui leur avait été imposée. Ils sont passés, sous la violence, d’êtres humains à biens meubles / animaux.(1) 

Pour ce deuxième article, j’ai échangé avec Leandro Peireira pour développer cet aspect essentiel afin de comprendre ce qui se déroule dans un terreiro, le barracao et la vie quotidienne brésilienne.

Chaque membre est responsable, personne n’est spectateur

Toutes les personnes qui ont assisté à un culte (de quelque religion qu’il soit) savent que tout suit un ordre. Dans le Candomblé, la différence est que chaque membre de la communauté est responsable d’une action, personne n’est spectateur : Tous sont acteurs et indispensables. Ainsi, encore de nos jours, comme ce fut le cas pour les esclaves, la structure communautaire est forte à la fois dans le terreiro mais aussi dans la vie quotidienne. Au-delà des croyances religieuses, les esclaves avaient besoin de se soutenir pour survivre à chaque instant de la journée, donc aussi hors des rituels.

Suivant son niveau d’initiation, sa reconnaissance comme porteur d’orixa ou non, chaque membre de la communauté est responsable d’actions qui vont de préparer la nourriture pour les orixas et les autres membres de la communauté (deux modes de préparation diffèrents, parfois dans deux cuisines séparées), à vêtir les orixas, à guider les orixas incorporées, à aider aux danses, à être responsable de la musique, des sacrifices ou de la chambre des orixas.

Cette structure et cette organisation existent pour zelar : maintenir et distribuer l’axé. Chaque “cargo” (responsabilité) dans la casa de santo a une fonction importante au service de l’axé.” Leandro Pereira.

Nous pourrions structurer la communauté comme cela (les noms sont en yoruba, la langue africaine utilisée par les initiés) :

Abia : débutant qui assiste à la vie du ile / terreiro (lieu de culte) pour se perfectionner.

Iao : fils de saint (filho-de-santo) déjà initié qui prends part aux cérémonies.

Ebomi : initié qui a déjà accompli une obrigaçao, devoir de sept ans avec son orixa. Il peut recevoir le deca et initier un terreiro.

labassé : ebomi qui prépare la nourriture des saints.

Pediga : meneur de cérémonie.

Babalorixa (homme) ou ialorixa (femme) : Ebomi qui a atteint la condition pour être pai-de-santo o mai-de-santo. Il/elle peut pratiquer le jeu de buzios (voir le quatrième article sur le candomblé à paraître prochainement).

Agibona : aide à l’initiation des iaos.

Ialaxe : prend soin des vêtements des orixas.

La-quequere : peux commander le ile, recevoir les orixas, prendre soin du terreiro en l’absence de la mère ou père de santo.

Equede : femme qui guide les orixas incorporées ? et les assiste dans les danses.

Iamoro : bras droit du chef du terreiro, il s’occupe de la partie financière.

Oga : assistant qui ne “reçoit” jamais de saint. Il peut être alabe responsable de la musique, axogum responsable des sacrifices des animaux, ou pejiga qui prend soin de la chambre des orixas.

Le Candomblé, un mode de vie au quotidien

Cette structure communautaire a un seul but, unissant tous ses membres: maintenir la circulation de l’axé, honorer les orixas. Grâce à la force des liens qui se créent entre eux, la communauté est soudée bien au-delà des rituels religieux. Chaque communauté rassemblée autour d’un pai-do-santo (ou mae) interagit avec d’autres communautés suivant les rituels, les fêtes mensuelles ou les cérémonies ouvertes (à l’extérieur ? ouvertes à d’autres ?). Ainsi, des liens se créent dans une communauté élargie qui partage les mêmes valeurs.

Parmi les personnes que j’ai rencontrées, il me semble que le Candomblé est un mode de vie qui intègre tous les éléments nécessaires au bien-être de ses membres. Mode de vie quotidien qui intègre bien sûr les orixas. Chaque élément ou force de la nature est représenté par un orixa.

 

Notes :

1) pour le contexte français, dans l’Histoire récente, se référer aux ouvrages sur la mission Congo-Nil menée par Marchand, même si elle se déroule à partir de 1896.

Olivier PERPOINT

Olivier PERPOINT

Site web : Ici Venice