Les 14 participantes de la saison 5 du show « Rupaul’s Drag Race », en 2012 © Steve

«  Nous sommes tous·tes né·es nu·es et le reste est drag  », a déclaré RuPaul, la créatrice du show RuPaul’s Drag Race*. Par ces mots, RuPaul souligne la subversion du genre. Il s’agit en effet de ce que le mouvement drag cherche à faire en critiquant les stéréotypes de genre, les inégalités sociales et en dénonçant les violences à l’encontre de la communauté LGBTQIA+ (pour Lesbienne, Gay, Bisexuel·le, Trans, Queer, Intersexe et Asexuel·le) ainsi que l’invisibilisation des personnes trans et des drags.

Qu’est-ce que le drag ?

En Colombie, la culture drag se développe de plus en plus dans les grandes villes. Le drag est une forme d’expression artistique qui remet en question les stéréotypes de genre. Le mot « drag » pourrait venir de l’anglais Dressed As a Girl. Les drags sont des artistes qui s’habillent, se maquillent et se comportent selon les stéréotypes associés au genre opposé, mais de manière exagérée. Il ne s’agit pas seulement d’une question de beauté et de monter sur des talons, mais d’une véritable performance artistique avec des défilés, des chorégraphies, des chansons, de l’humour à travers lesquels les artistes drags tentent de provoquer un malaise ou de choquer le public. Ils dénoncent ainsi la violence à l’encontre de la communauté LGBTQIA+, et en particulier à l’encontre des personnes trans et drags, qui sont rendues invisibles dans la société.

La célèbre drag-queen RuPaul, dite Mama Ru, lors de la Gay Pride de 2011 © Liz

La culture drag arrive en Colombie

Le symbole de la culture drag en Colombie est le Theatron, la plus grande discothèque LGBTQIA+ d’Amérique latine. En 1995, dans le quartier Chapinero, lors de la création du Theatron, le directeur a décidé de monter des spectacles de drag. Ainsi, un an plus tard, de nombreuses drag-queens colombiennes ont commencé à se faire connaitre, comme Asesinata, Viola, Sbelty ou La Wonder Gay. Leur objectif était d’élire la meilleure drag-queen du spectacle nocturne.

Le Theatron reste la vitrine emblématique et la plus connue de la culture drag en Colombie, avec de nombreux artistes de renom s’y produisant régulièrement. En 2015, par exemple, la drag-queen portoricaine Nina Flowers, une participante du RuPaul’s Drag Race, s’y produisait.

De plus, l’Université Francisco José de Caldas a organisé l’une des nuits les plus importantes pour la communauté trans colombienne : « La Noche de los Faroles », le 9 novembre 2018, en l’honneur des personnes trans, à laquelle des drag-queens ont participé pour affirmer fièrement les droits civils de la communauté LGBTQIA+

Le char du Theatron, le club gay friendly le plus emblématique de Bogota, à la Gay Pride de 2008 © Oh my little Darling

La culture drag se répand également en Colombie grâce à des initiatives telles que « Oh my Drag » qui a débuté en 2016. Il s’agit de fêtes organisées au départ à Bogota et mettant en vedette des artistes locales ainsi que des artistes nord-américaines du programme télévisé RuPaul’s Drag Race. Elles permettent aux gens de s’exprimer librement. Les événements « Oh my Drag » se sont répandus dans toute la Colombie pour rendre visible la culture drag.

Affiche d’une soirée « Oh my drag » en présence de Suka Prushna de Medellin, Olimpia Dumont & Hilarika de Bogota, et Ninfa du Venezuela

L’art drag comme expression politique

La culture drag en Colombie connaît progressivement du succès et depuis 2002, lorsque le Theatron a ouvert ses portes au concours « Miss Univers Drag Star », la tendance est de plus en plus à la mode et reconnue. Les personnes viennent pour montrer leur talent mais, cependant, peu connaissent l’aspect politique du drag. Ce n’est pas seulement du maquillage et des talons hauts comme beaucoup se l’imaginent ; en effet, le drag requiert aussi beaucoup de technique et de travail. Et malgré son côté festif, le drag associe les personnes drags et les trans à autre chose qu’à la prostitution pour s’éloigner des stéréotypes qui peuvent circuler dans la société colombienne.  

Gretha White, sans doute la plus célèbre des drag-queens colombiennes, participante de la saison 5 du show méxicain La más draga

Le drag tient également à rappeler les violences que subissent chaque jour les personnes LGBTQIA+ en Colombie, en Amérique latine et dans le monde. Rien qu’en 2022, en Colombie, ce sont 145 victimes d’homicides et de féminicides qui appartenaient à la communauté LGBTQIA+, parmi lesquelles 49 étaient des personnes trans (25 hommes trans et 25 femmes trans), 47 étaient des hommes gays, 14 étaient des femmes lesbiennes, 10 des hommes bisexuels, les 21 personnes restantes ayant une autre identité sexuelle (selon Corporación Caribe Afirmativo).

* RuPaul’s Drag Race est une émission de téléréalité américaine où des drag-queens s’affrontent chaque semaine au cours d’épreuves afin d’élire à la fin « la superstar américaine du drag ». Ce concours de drag-queens a été créé et est présenté par RuPaul qui est la drag-queen américaine la plus connue depuis les années 90.

Nolwenn Le Baïl, Paul Ratouit et Sarah

Nolwenn Le Baïl, Paul Ratouit et Sarah

Étudiants à Sciences Po Grenoble

Sous la direction de Sonia Berrakama