Crédits : Thomas Bilanges
(El Café Latino) Bonjour François ! Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?
Bonjour ! Je m’appelle François Biscaye et je suis membre du groupe Barrio del Este, un groupe de « son » cubain parisien. Je joue la basse dans le groupe, je compose et puis par ailleurs je fais de la guitare aussi.
Ok ! Génial, donc tu joues la basse dans le groupe…
Exactement. La basse ou la baby-bass en fonction du contexte.

Crédits : Thomas Bilanges
Qu’est-ce que c’est ?
La baby-bass c’est une petite contrebasse électrique avec un corps en plastique, qui se joue quasiment exclusivement, si je ne me trompe pas, dans la salsa. Par exemple Oscar de León… c’est ce genre d’instrument-là. Ça a un son plus percussif que la contrebasse et c’est vraiment un instrument fait pour la salsa.
Quand as- tu commencé à jouer ?
J’ai commencé à faire de la musique à 15 ou 16 ans. J’ai commencé par la guitare, et tout de suite après j’ai fait de la basse, parce que j’étais attiré par cet instrument et en plus il y avait la possibilité de jouer dans un groupe. Et après j’ai joué exclusivement de la basse, donc plutôt de manière autodidacte. J’ai fait quelques écoles, j’ai fait une école de jazz un an mais je n’ai pas pris de cours d’instrument vraiment. Et puis après plus tard, vers l’âge de trente ans, j’ai découvert le conservatoire, j’ai appris les règles de l’harmonie classique, et ça c’est quelque chose qui m’a vraiment beaucoup plu. Par rapport à la compréhension de la musique et la possibilité de composer. J’aimais bien composer déjà, mais du coup j’ai vraiment trouvé de l’eau à mettre dans mon moulin avec ça.
Quand tu dis « il y avait la possibilité de jouer dans un groupe » ce n’était pas encore à ce moment-là Barrio del Este, c’est ça ?
Non, non, c’était un groupe avec un copain de collège. Du coup c’était plutôt funk – jazz.

Ok, super ! Du coup, tu pourrais me parler un peu de la création du groupe ? Comment surgit l’idée, à un moment, de créer un groupe de « son cubano » ? C’est qui qui a l’idée ? Comment vous vous regroupez ?
On s’est rencontrés dans un atelier. C’était avec un professeur, au CECB au Bourget, à côté de Paris. Ça veut dire Centre Éducatif et Culturel du Bourget, c’est une MJC en gros. Du coup il y avait un atelier de salsa, on s’est rencontrés là-bas. On a eu un très bon professeur qui s’appelle Emmanuel Massarotti, qui est un musicien extraordinaire. Du coup, après cet atelier, on a décidé de répéter ensemble, de continuer ensemble. Le groupe est né comme ça, et puis comme il y avait un « tres » dans le groupe, et bien on s’est plus orientés vers le répertoire « son » que salsa.
Un « tres » ?
Oui, « tres cubano ». C’est la petite guitare à trois cordes doubles, qui a un son très caractéristique et qu’on retrouve dans les musiques traditionnelles cubaines. « Tres » veut dire trois en espagnol, donc c’est les trois cordes.


Et comment ça se fait que vous vous retrouvez tous dans cet atelier, vous aviez quand même des liens avec l’Amérique latine ou c’est juste que vous aimiez ce type de musique ?
Pour les autres je ne sais pas trop. Moi, en tout cas, je suis arrivé d’abord dans une « batucada » dans cette MJC. J’ai connu le CECB par un ami qui était batteur et qui était dans la batucada déjà, et je suis allé là-bas. Et puis comme il y avait un atelier salsa dans la même structure et qu’à un moment ils cherchaient un bassiste, donc je me suis retrouvé là-bas. Du coup ce n’est pas parce que j’écoutais de la salsa avant, c’est parce que je me suis retrouvé là à ce moment-là et qu’il y avait cet atelier à cet endroit là.
Mais du coup au sein du groupe il y a quand même d’autres membres qui ont des connexions avec l’Amérique latine ou c’est vraiment dû à une passion pour cette musique ?
Non, c’est pareil. C’est plutôt l’endroit qui fait qu’on s’est retrouvés, c’est des gens du coin, autour du Bourget. Il y avait donc Makhlouf qui était dans la batucada avec moi, il faisait des percussions donc il était aussi dans l’atelier salsa. Et après il y avait Yannick, l’ancien « tresero » qui a quitté le groupe maintenant. Makhlouf connaissait Sidi, le chanteur, parce qu’ils étaient voisins, du coup c’est Makhlouf qui a ramené Sidi. Et puis Yannick il était dans l’atelier aussi parce qu’il habitait pas très loin et il était guitariste, et donc il s’est mis au « tres » pour son atelier. Et après, au moment où on a créé le groupe, moi j’avais un ami percussionniste, Nils Wekstein, et je lui ai proposé de rejoindre le groupe. On était cinq au début.
Vous étiez cinq et là vous êtes toujours cinq ?
Non, on est huit maintenant.

Et qu’est-ce qui te plaît le plus dans cette musique que vous faites ? Qu’est-ce qui te fait envie dans le « son cubano » ?
C’est le côté festif, positif, c’est ça qui me plaît le plus. Je peux développer éventuellement mais je trouve bien aussi de s’en tenir à ces deux mots, ça résume pas mal en fait.
Oui, génial. J’aimerais qu’on parle un peu aussi du projet d’album, que tu puisses me raconter, du coup vous vouliez le sortir à l’automne c’est ça ? Comment se passe ce processus ? C’est votre premier album ?
Oui, c’est notre premier album. On a produit deux titres les années précédentes, et puis c’est un processus qui est long, du coup là, c’est quand même plus efficace de faire tout le reste d’un coup que de produire un titre par an pendant combien d’années encore…(rires). Donc voilà, on va tout faire d’un coup cette fois.

Et comment vous allez le faire ? Vous avez les moyens d’enregistrer l’album ? Vous savez déjà comment vous allez vous y prendre ?
Alors, on a lancé une campagne de crowdfunding, donc de financement participatif. Donc, c’est la manière rendue possible par internet de solliciter son réseau, ses proches et donc, c’est la bonne manière pour nous. Sinon ce serait faire un emprunt à la banque ou quoi d’autre, on se sait pas trop… J’ai essayé au début du projet de m’intéresser un peu aux labels, mais sans en contacter directement, j’ai eu le sentiment que de toute façon, même eux ils nous auraient demandé de faire cette campagne, à partir du moment où on a un réseau. Je pense que le marché de la musique a changé, du coup voilà, on a lancé cette campagne pour solliciter nos proches. Et tout l’enjeu de la campagne ça va être d’arriver à aller plus loin que nos proches, parce que sans ça on n’arrivera pas vraisemblablement à l’objectif des 6000 euros. Donc voilà, j’ai préparé des interviews de chaque musicien pour présenter le projet, le groupe… Et voilà, c’est à découvrir, en ce moment sur les réseaux et jusqu’au 23 mars.
C’est génial que vous fassiez ça de votre côté ! On sait tous que la période actuelle n’est pas l’idéale pour organiser des concerts… Mais j’aimerais bien quand même savoir quel type de concerts ou d’événements vous faisiez avant la pandémie. Qu’est-ce que vous aviez l’habitude d’organiser ?
Ce qu’on a fait beaucoup… On peut dire qu’il y a deux créneaux que l’on a plus développés que les autres . C’est les écoles de danse de salsa, qui nous sollicitaient pour faire un gala. J’aimerais bien citer une école qui nous fait confiance depuis longtemps et qui est très dynamique, qui s’appelle « Salsa Caliente » qui est basée dans le Val-de-Marne au début. Elle a ouvert d’autres écoles dans les villes d’à côté qui sont vraiment très dynamiques. On a joué, je pense, quatre fois pour eux. Et c’est des gens avec lesquels du coup on a développé des affinités avec les années. On n’a pas joué que pour « Salsa Caliente », on joue en général pour les écoles de danse et aussi les fêtes de quartier en région parisienne. C’est les deux choses pour l’instant que l’on a le plus fait. Après on a fait d’autres choses aussi. On a eu la chance de partir à Marrakech pour un congrès de danseurs, le World Salsa Congress de Marrakech. C’est un festival international et on a eu la chance de passer un après-midi avec le producteur américain Albert Torres, qui est quelqu’un de très reconnu, un danseur, qui a joué dans un film d’ailleurs avec Jennifer Lopez. Il est décédé malheureusement il y a quelques années mais c’est quelqu’un qui a vraiment développé la danse salsa avec des galas internationaux de danse salsa. Donc nous on a eu la chance de pouvoir jouer à cette occasion. On a eu quelques expériences comme ça un peu plus internationales que la région parisienne, mais sinon on est beaucoup en région parisienne.


D’accord. Parce que ça fait combien de temps que vous avez formé le groupe ?
Ça fait 20 ans là, cette année.
Super ! Bon, et même si ce n’est pas forcément le meilleur moment pour le faire, quel est le meilleur endroit selon toi ou ton endroit préféré, pour écouter de la musique latina, de la salsa, du « son », à Paris ?
Oulà !… Alors, j’aime bien mon salon, c’est pas mal, il y a des bonnes enceintes (rires). C’est d’actualité. Attends que je réfléchisse… Je peux te dire La Marbrerie à Montreuil. On n’a pas joué là-bas, donc bon, comme je leur fais un peu de pub il faudrait peut-être qu’ils nous programment (rires). Et puis récemment on a fait un concert à L’Entrepôt aussi, c’était un très bon concert.
C’est où l’Entrepôt ?
L’Entrepôt c’est dans le 14ème. Là je te parle d’endroits pour des concerts, je ne connais pas bien les discothèques…
Ce n’est pas grave, c’est déjà sympa pour nos lecteurs de nous conseiller des endroits comme ceux que tu viens de citer pour écouter de la musique.
Oui, il y a l’Ermitage aussi, le Studio de l’Ermitage dans le 20ème. Je pense qu’il y a eu une époque où il y avait des salles exclusivement dédiées à la salsa, maintenant ça n’existe plus. Donc il y a des salles plutôt axées « musiques du Monde », comme le Studio de l’Ermitage. La Marbrerie je ne sais pas s’ils font que « musiques du Monde »… mais voilà, ce n’est pas des endroits où l’on trouve que de la salsa, mais on peut en trouver.


Parfait. Pour finir, j’avais une curiosité. J’ai regardé l’Instagram de Barrio del Este et j’ai vu des affiches, des dessins. Je voulais te demander de quoi il s’agit. Vous les vendez ?
Très bonne observation. En fait, il se trouve qu’il y a une dessinatrice connue en France qui a dessiné la BD « Tom-Tom et Nana », et il se trouve que c’est ma tante. Du coup elle nous a proposé il y a quelque temps… Un des deux titres que j’ai produits, elle m’a proposé d’y participer du coup on avait fait un petit clip d’animation avec ses dessins, qui est disponible d’ailleurs dans les contreparties de la campagne. Et puis du coup j’ai gardé les dessins originaux et elle a accepté de nous les offrir pour les proposer en contrepartie également. Donc c’est des dessins qui ont un rapport avec la chanson « Corazón medio loco » et aussi notre passage chez elle, parce qu’on a pu aller chez elle à l’occasion du projet de ce clip. Donc on était venus avec le groupe chez elle et on avait joué, c’était un beau moment. Elle s’appelle Bernadette Després.

Génial ! Et du coup ces affiches vous les avez mises sur Instagram pour réussir à financer un peu l’album ?
Exactement, c’est une contrepartie. Donc il y a soit le dessin seul, soit le dessin plus l’album. Le principe des campagnes de crowdfunding c’est que tu dois établir une bonne liste de contreparties à des montants différents, pour permettre à des gens qui voudraient mettre un peu plus que le prix de l’album, aussi de soutenir. Si tu mets seulement le prix de l’album à 10 ou 15 euros, tu te fermes des portes, parce que du coup, peut être que quelqu’un est prêt à mettre 50 euros dans le projet mais que du coup il ne pourra pas à cause de ça. Donc on préconise d’établir un bon nombre de contreparties. Soit les gens peuvent prendre un dessin seul, donc c’est des originaux, soit le dessin plus l’album.
C’est super. Merci beaucoup. Est-ce que tu aimerais dire autre chose avant la fin de l’entretien ?
Je voudrais dire que la salsa, le milieu salsa en France gagne à être connu, parce que c’est un milieu de passionnés. C’est ça que j’aimerais bien dire, et que je pense que ce que véhicule cette musique est quelque chose qui rassemble. En tout cas nous on le vit comme ça, et je trouve que ça gagne à être connu dans la société française.
Bien sûr, chez El Café Latino nous sommes complètement d’accord avec tout ce que tu es en train de dire. D’ailleurs ces temps-ci nous sommes en train de publier sur notre site toutes les 2 ou 3 semaines une série d’articles, il y en a 6 au total, sur l’Histoire de la salsa à Paris.
Oui, j’ai vu ça, absolument ! J’en ai lu, et c’est très bien, donc merci à El Café Latino de mettre cette musique, et pas que cette musique, mais ce phénomène en valeur.
Oui, c’est ça. Justement, le dernier article publié parle de comment la salsa s’est maintenue grâce à un groupe de passionnés qui insistait beaucoup pour que ça continue à tourner dans les salles. Donc oui, c’est très important qu’il y ait des personnes qui luttent pour cela.
Absolument. Je pense que c’est une culture qui est très forte et que ça ne mourra jamais, il y aura toujours des passionnés, ça c’est sûr.
Pour soutenir et commander l’album Barrio del Este : https://fr.ulule.com/album-barrio-del-este/
Pour regarder les interviews des huit membres du groupe : https://www.youtube.com/ElBarrioDelEste
Photographies : fournies par Thomas Bilanges (principale et portrait François en noir et blanc) et François Biscaye (les autres)

El Café Latino
Propos recueillis par Clara de Castro Casanueva