Des scènes de jubilation ont eu lieu au Chili après qu’une majorité écrasante ait voté en faveur de la réécriture de la constitution chilienne, qui remonte au régime militaire dictatorial du général Augusto Pinochet (1973-1990). Lorsque les tarifs du métro dans la capitale chilienne ont augmenté l’année dernière, peu de gens s’attendaient à ce que cette décision se termine par la chute de la constitution mise en place par le dictateur du pays à l’époque. Le projet de rompre avec la constitution de Pinochet en faveur d’une nouvelle charte rédigée par les citoyens a reçu un accueil très favorable.
Près de 7,5 millions de Chiliens se sont rendus aux urnes. La totalité des bulletins de vote ayant été comptés, 78 % des électeurs ont voté “oui” lors d’un référendum organisé après des protestations massives contre les inégalités et la précarité sociale.
La Constitution : un héritage de Pinochet
L’un des arguments principaux du changement est symbolique : le document existant a été écrit et approuvé pendant la dictature militaire et manque de légitimité. Le texte penche vers une interprétation conservatrice de la loi et n’offre aucune possibilité formelle aux citoyens de participer aux décisions politiques. Le régime de Pinochet, qui a duré 17 ans, a été excessivement brutal. Près de 40 000 personnes ont été injustement emprisonnées, torturées ou tuées, et plus de 1 000 ont été officiellement considérées comme disparues.
Une lueur d’espoir démocratique ?
Beaucoup ont exprimé l’espoir d’un nouveau texte qui tempérerait une éthique capitaliste sans complexe et garantirait des droits plus égaux en matière de soins de santé, de retraite et d’éducation.
Lorsque les Chiliens sont descendus dans la rue pour célébrer le “oui” massif au référendum sur la réécriture de la constitution, beaucoup ont brandi le drapeau mapuche. Les Mapuches représentent environ 12 % de la population chilienne et sont de loin le groupe indigène le plus important du pays.
Avant l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle, les Mapuches habitaient une vaste bande de terre au sud du Chili, une grande partie de leurs terres ont été vendues à des agriculteurs et à des entreprises forestières. Dans les années 1990, après le retour de la démocratie au Chili, le gouvernement a déclaré qu’il rendrait une partie des terres aux Mapuches. Mais les progrès ont été minimes, car les propriétaires terriens sont réticents à l’idée de rendre leurs terres aux Mapuches. Ainsi, ils se battent non seulement pour les droits fonciers de leur peuple, mais aussi pour que leur culture et leurs traditions soient reconnues dans la nouvelle constitution.
Les quatre cinquièmes des électeurs ont déclaré vouloir que la nouvelle charte soit rédigée par un corps de citoyens spécialement élus – composé pour moitié de femmes et pour moitié d’hommes – plutôt que par une convention mixte de législateurs et de citoyens, ce qui souligne la méfiance générale à l’égard de la classe politique chilienne. Les membres d’une convention constitutionnelle de 155 sièges seront votés d’ici avril 2021 et auront jusqu’à un an pour se mettre d’accord sur un projet de texte, les propositions étant approuvées à la majorité des deux tiers.
Une lutte populaire persistante
Lorsque le milliardaire de droite Sebastián Piñera est arrivé au pouvoir en 2018, il a déclaré qu’une nouvelle constitution n’était ni même à l’ordre du jour. Mais son point de vue a changé avec les manifestations de 2019. Malgré la répression meurtrière de son gouvernement contre des manifestations pour la plupart non-violentes, les protestations ont continué et se sont transformées en une campagne pour l’égalité économique et sociale. Le président Piñera fait maintenant l’éloge de ce vote pacifique. Il a déclaré que c’était “le début d’un chemin que nous devons tous parcourir ensemble”. Il a ajouté que tout nouveau projet devait intégrer “l’héritage des générations passées, la volonté des générations actuelles et les espoirs des générations à venir”.
CONDE Victor et CHARLES Jean-Baptiste
Etudiants de troisième année à Sciences Po Grenoble
Sous la direction de BERRAKAMA Sonia, professeure agrégée d’espagnol à Sciences PO Grenoble