Sidonie SAILLARD et Lucille LECOUFLE, étudiants de troisième année à Sciences Po Grenoble
Sous la direction de BERRAKAMA Sonia, professeure agrégée d’espagnol à Sciences Po Grenoble

« Nos tenues, notre culture, notre travail, alors que les communautés indigènes ne perçoivent rien de l’argent généré. Ceci est ce que nous dénonçons avec le brevet » affirme Angelina Aspuac, porte-parole de l’Association Féminine pour le Développement de Sacatepequez. Ces revendications démontrent la présence d’un défi politique et culturel qui affecte de nombreux pays latino-américains : l’appropriation culturelle.

© Global Voices
I- L’appropriation artistique et culturelle et ses limites
Premièrement, l’appropriation culturelle, d’après le journal CNN Español, se définit comme l’acte par lequel un membre d’une culture relativement dominante utilise une autre culture sans son autorisation ou mentionner son origine. Ce phénomène aboutit à un déséquilibre de pouvoir, dans la mesure où ceux qui s’approprient la culture en retirent des bénéfices économiques et sociaux alors que la communauté d’origine se voit marginalisée et est victime de stéréotypes.
Ainsi, on pourrait se demander pourquoi l’appropriation culturelle est-elle problématique ? Une réponse simple serait de dire qu’il existe une grande différence entre s’inspirer d’une culture et se l’approprier, comme le montre Anna Quirino. Un exemple significatif de cette problématique est l’industrie de la mode, où il existe une culture mondiale de la copie. Nous pouvons prendre le cas de la multinationale Nike et de la communauté indigène des Guna du Panama. L’entreprise a annoncé le lancement d’une basket en honneur à Puerto Rico, précisant que sa conception s’inspirait d’un amphibien de l’île. C’était cependant une copie d’un art appelé « mola » inventé par les Guna.
Ceci peut devenir problématique pour de nombreuses raisons. Comme le précise le journal CNN, cela perpétue des inégalités historiques et sociales, permettant aux cultures dominantes de bénéficier d’éléments de cultures marginalisées sans consentement, reconnaissance ou rétribution. De plus, cela peut générer des bénéfices économiques et sociaux pour les entreprises qui se l’approprient tout en excluant les communautés d’origines, ce qui renforce des dynamiques d’exploitation et de colonialisme culturel. Enfin, cela distorsionne les identités, perpétue des stéréotypes nocifs et sapent les efforts de ces communautés pour préserver et honorer leur patrimoine.

© Visit Latin America / © La Voix du Nord
II- Le rôle des institutions nationales et internationales pour lutter contre l’appropriation culturelle
Mais alors, comment les politiques publiques et culturelles dans les pays latino-américains peuvent lutter contre cela ? Il apparaît, à première vue, qu’il est simple de reconnaître les cas d’appropriation culturelle, surtout pour les populations concernées.
En réalité, les pouvoirs publics sont confrontés à plusieurs obstacles, à commencer par la définition même de cette appropriation. Les limites entre appropriation culturelle, échange culturel et co-création deviennent très confuses. Dès lors, beaucoup de cultures ne sont pas protégées par les lois de propriétés intellectuelles, loin d’être assez précises, et d’autre part, les entreprises et les consommateurs méconnaissent bien souvent l’impact de ces pratiques et ne sont pas suffisamment sensibilisés à ces problématiques.
De la même manière, les conditions légales pour définir le préjudice comme une « appropriation culturelle » sont plurielles et restreintes. Tout d’abord, le groupe victime doit être considéré comme plus fragile que celui qui se l’est approprié, que ce soit pour des raisons historiques, sociales, identitaires ou numériques. Il faut également démontrer l’usage historique significatif de la tradition comme une atteinte (économique, culturelle ou morale), à partir de données culturelles ou de registres officiels par exemple, et que le consentement n’a été donné d’aucune manière.
Des cas antérieurs comme celui des broderies Otomí au Mexique montrent que, avec la stratégie adéquate, justice peut être obtenue. Ces cas ont abouti à des excuses, des compensations et des accords de collaboration qui ont bénéficié aux communautés.
En plus des protections nationales, des organisations internationales comme l’UNESCO travaillent pour la protection des cultures indigènes. Par exemple, en 2015, les techniques de tissage de Saraguro ont été classées au patrimoine immatériel de l’UNESCO. L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle a mis également en place plusieurs outils pour protéger les savoirs traditionnels dans le cadre de la propriété intellectuelle, comme l’exemple de la communauté indigène Kuna, qui a reçu de l’aide pour protéger ses célèbres créations « mola » de l’appropriation culturelle.

© Spanish Bloggin
Pour conclure, nous vivons dans une société globalisée, ainsi il est pratiquement impossible que les différentes cultures ne se mélangent pas, d’une manière ou d’une autre. Cependant, comme nous le rappelle Anna Quirino, l’inspiration doit se distinguer de l’appropriation culturelle pour garantir une reconnaissance transparente de ces cultures sud-américaines.

Sidonie SAILLARD et Lucille LECOUFLE
Étudiantes de troisième année à Sciences Po Grenoble