Sacrée reine du Trap Quechua, Renata Flores s’impose malgré son jeune âge comme la nouvelle représentante d’un genre musical qui cherche à défendre la pérennisation de la langue quechua au sein du continent latino-américain. Ses productions musicales innovantes associent le hip-hop à la musique traditionnelle andine, et sont entièrement écrites en quechua.

Parlée par plus de huit millions de Sud-Américains, cette langue amérindienne n’a cessé d’exister depuis la création de l’empire Inca et a dû faire face à de nombreuses menaces comme la colonisation espagnole, la persécution religieuse et l’exode rural plus récemment. Malgré cela, le quechua reste la langue amérindienne la plus répandue en Amérique Latine et transgresse les frontières du Pérou, son foyer de naissance, en s’étendant également en Équateur, en Bolivie, en Colombie et en Argentine

La revitalisation de la culture quechua à travers la musique

Renata Flores

Il s’agit d’une langue traditionnellement transmise à l’oral par les natifs qui ne possèdent pas d’institutions formelles pour assurer un apprentissage scolaire, contrairement à l’espagnol dont l’enseignement est obligatoire. Cet aspect pourtant coutumier a néanmoins participé à l’ostracisation de ses locuteurs alors vus comme peu instruits et pauvres. De plus, à la suite de la vague d’urbanisation massive que le continent a connu à partir de 1990, ces derniers se sont retrouvés marginalisés dans les environs des grandes villes. 

De cette manière, parler quechua est peu à peu devenu synonyme de discrimination. Ce n’est plus une fierté, mais un héritage « honteux » que les minorités cherchent à cacher voire à faire disparaître pour se protéger. Les traditions ancestrales quechuas se perdent, et comme l’affirme Renata Flores à partir de son expérience personnelle, la langue ne s’enseigne plus au sein du cocon familial. 

Née à Ayacucho au Pérou, cette dernière décide d’apprendre le quechua seule, malgré les réprimandes de ses parents, avec comme objectif de pouvoir comprendre les conversations de ses grands-parents. Cet apprentissage s’avère être une véritable richesse pour elle en tant qu’il lui permet de se reconnecter avec ses ancêtres et d’apprécier la richesse du patrimoine millénaire autochtone hérité des Incas. 

Ainsi, du haut de ses 14 ans, Flores décide de traduire ses chansons préférées en quechua et de les publier sur Facebook. Initialement prévu comme un projet personnel, la critique qu’elle reçoit l’encourage à poursuivre dans cette voie et lui permet également de repenser au poids de son action. Elle décrit cette expérience musicale comme unique, et véritablement essentielle pour la survie de la langue du fait de sa transmission orale à travers la musique. 

Inspirée par cette idée initiale d’hybridation culturelle, la jeune péruvienne va plus loin et décide de mélanger le moderne et l’ancien dans ses projets musicaux afin de sensibiliser un public plus large. Dans son clip « Tijeras » datant de 2018, la chanteuse met en avant la traditionnelle danse rurale du même nom déclarée Patrimoine Immatériel de l’Humanité en 2020. Elle y arbore une robe inspirée de cette tradition tout en étant entourée par des femmes habillées en noir.

Ce même contraste entre le ‘passé’ et le ‘présent’ est également présent dans sa musique qui inclut du trap, variant du hip-hop. De cette manière, Flores défit les stigmas historiques envers les peuples autochtones et rappelle que l’identité latino-américaine est avant tout le produit d’un métissage de cultures. Elle prône l’union de tous dans un monde globalisé. 

Son objectif est de mobiliser une audience autour de problématiques qui touchent les populations autochtones, minoritaires en Amérique Latine, et de visibiliser ces derniers souvent oubliés et exclus de la vie politique. La musique est donc utilisée comme un moyen de contestation socio-politique, et lui permet de revendiquer ses racines

De plus, en popularisant des sons traditionnels andins, Flores attire les plus jeunes générations qui s’identifient à ses productions musicales et retrouvent un certain orgueil à parler quechua entre eux. Ainsi, la survie de la langue est assurée, et la diffusion de cette culture andine préhispanique pourrait même s’étendre au-delà de ses frontières.

 

Emeline Rateau

Emeline Rateau

Affaires internationales et processus sociopolitique de l'Amérique latine