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Le 30 décembre 2020, l’avortement est légalisé en Argentine, cinquième pays latino-américain à l’autoriser après Cuba, l’Uruguay, la Guyane et la province de Mexico au Mexique. Avant 2020, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol ou si la vie de la mère est en danger, et quiconque y a recours en dehors de ces conditions est passible de quatre ans de prison. On estime que quelques 400 000 avortements clandestins étaient pratiqués tous les ans avant 2020 et qu’une femme par semaine en mourrait.
L’émergence d’un important mouvement social autour de l’avortement a modifié avec succès les perceptions négatives associées à cette pratique et a permis de faire avancer la légalisation.
En Argentine, la Unión Feminista Argentina (UFA) et le Movimiento de Liberación Feminista (MLF) sont les principaux mouvements féministes des années 70. Les manifestations, la publication d’articles dans des magazines et la distribution de tracts sont leurs modes d’action. Dans la rue, les femmes manifestent pour revendiquer leur droit à l’avortement. Ainsi, en 1974, la UFA et le MLF se soulèvent contre le décret présidentiel interdisant la distribution de contraceptifs gratuits. Le Front de Lutte pour les Femmes est créé pendant ces années pour s’élever contre le comité de coordination officiel qui ne respecte pas leurs revendications.
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Les luttes des années 80 et 90
La lutte féministe s’intensifie dans les années 80 en sortant de la rue pour créer des groupes d’études qui portent des revendications plus officielles et construites. La Comisión por el Derecho al Aborto est un de ces groupes. Des tables rondes sont organisées avec des grandes figures du féminisme national pour faire avancer les réflexions sur le sujet. Les femmes de la société civile animent l’atelier « L’avortement comme un droit » à San Bernardo dans le cadre de la quatrième rencontre des féministes latino-américaines, et le premier projet de loi sur la contraception et l’avortement est proposé en 1992. Ce projet de loi permet de faire entendre les revendications et de multiples groupes de soutien sont créés, tels que le Foro por los Derechos Reproductivos, le MADEL (Mujeres Autoconvocadas para Decidir en Libertad) ou encore la Casa de la Mujer.
Au fil des luttes et des manifestations, les féministes font remonter le combat jusqu’aux instances officielles.
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« Les femmes riches avortent, les pauvres meurent »
Le mouvement Ni Una Menos (« Pas une de moins ») voit le jour en 2015 et forge une coalition de femmes pour défier le statu quo. Au départ un mouvement contre la violence machiste, Ni Una Menos élargit ses revendications pour englober les droits reproductifs.
Ni Una Menos dénonce les inégalités face au dangers de l’avortement clandestin : « Les femmes riches avortent, les pauvres meurent » est un de leurs slogans pendant les manifestations.
Le 4 juin 2018 a lieu la quatrième marche annuelle pour la légalisation de l’avortement, rassemblant 150 000 personnes, de la Plaza de Mayo à la Plaza del Congreso, sous le slogan « Sans avortement légal, il n’y a pas de Ni Una Menos. » Le projet de loi est approuvé par la Chambre des Députés mais rejeté par le Sénat.
La marche continue d’avoir lieu chaque année jusqu’à finalement aboutir à la légalisation de l’avortement en 2020. Depuis, une mobilisation continue d’avoir lieu à la même date bien que la loi soit passée.
Le droit à l’avortement est donc le résultat d’une lutte historique et intergénérationnelle, qui a abouti grâce au soutien du président Alberto Fernández. Le documentaire de Juan Solanas « Que sea ley » (2019) illustre parfaitement cette lutte, en se concentrant sur le combat final en 2018. Aujourd’hui, bien que l’avortement soit officiellement légal, la lutte continue, car ce droit n’est pas encore respecté par tous les médecins.
Anna Dabonneville et Oriane Bellot
Étudiantes à Sciences Po Grenoble
Sous la direction de Sonia Berrakama